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ouvriers horlogers et ajusteurs. Après quelques incertitudes, on a bientôt vu tout ce qu’il y avait de ressource dans l’industrie parisienne, qui aura une si belle page dans l’histoire du siège.

Un décret du 9 décembre 1870 porte que les bataillons de marche seront réunis pour former des régimens sous les ordres de lieutenans-colonels. Ces régimens seront au nombre de 59, et comprendront chacun quatre bataillons. On s’aperçut en effet bien vite que plus de 200 bataillons isolés, chacun de 400 hommes en moyenne, ne pouvaient avoir ni la cohésion ni l’unité d’action nécessaires pour la défense ou pour l’attaque. Le décret ajoute que les lieutenans-colonels seront nommés par le pouvoir exécutif. Dès le 6 septembre, les commandans de bataillon étaient élus par le suffrage à deux degrés, et on leur a toujours reconnu le droit de choisir eux-mêmes un certain nombre d’officiers qui doivent leur inspirer une particulière confiance, par exemple le capitaine adjudant-major et l’officier-payeur. Si en théorie les hommes les plus attachés aux idées républicaines soutiennent la nécessité absolue de l’élection, ils doivent reconnaître que dans la pratique, en ce qui concerne l’armée, il est souvent nécessaire de porter à ce principe de sérieuses atteintes. Après tant de débats passionnés sur l’élection des officiers dans la mobile, le gouvernement a décrété le 18 novembre que dans ce corps nul ne pourrait passer à un grade supérieur, s’il n’était déjà pourvu du grade immédiatement inférieur, et un mois plus tard il fallut en arriver à la nomination directe des officiers par le ministre de la guerre ; l’opinion publique a pleinement ratifié cette double décision. Des 59 lieutenans-colonels nommés en exécution du décret du 9 décembre, 52 sont d’anciens officiers de l’armée.

Il est probable qu’après le décret du 9 décembre l’organisation de la garde nationale mobilisée sera très peu modifiée. L’embrigadement, dont on s’est vivement préoccupé, est à peu près impossible. Quel que soit le projet auquel on s’arrête, on rencontre pour le moment des obstacles insurmontables. Pour réunir les régimens mobilisés en brigades, il est clair qu’il faudrait pouvoir leur donner une artillerie et une cavalerie qui nous manquent[1]. Quant à l’incorporation des mobilisés dans la troupe de ligne, on cite à tort l’exemple de la convention. Cette assemblée, il est vrai, décréta la loi d’amalgame c’est-à-dire la formation de demi-brigades où on réunissait deux bataillons de volontaires et un bataillon de ligne ; mais ces troupes devaient opérer sur nos frontières et en pays étran-

  1. L’artillerie et la cavalerie de la garde nationale, mobilisées comme les régimens de ligne, rendent certainement de grands services ; mais ces corps sont trop peu nombreux pour fournir l’effectif que demanderait l’organisation en brigades.