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toujours paru un ennui ; ils étaient restés à leurs affaires. On leur donnait des armes, ils voulaient un rôle actif et dangereux. Aujourd’hui à l’état-major, il se présente tous les jours des recrues de bonne volonté qui font les plus pressantes instances pour entrer dans les compagnies de marche, et cela en des termes qui ne laissent aucun doute sur la sincérité de leurs sentimens. Si nous connaissions le chiffre, certainement considérable, des hommes qui ont échappé à la garde nationale mobilisée, il ne faudrait y chercher qu’avec beaucoup de réserve des preuves du manque sinon de courage, du moins de patriotisme, d’une partie de la population parisienne.

Dans un grand nombre de bataillons de formation récente, du mois de novembre au mois de décembre, les hommes mariés sont passés en foule dans la classe des volontaires. Il est assez difficile de bien démêler les raisons complexes qui ont provoqué ce changement. Il me paraît certain cependant que souvent le désir d’être équipé le plus vite possible, — privilège que des volontaires pouvaient réclamer légitimement, — et de prendre part presque aussitôt à une défense que l’opinion populaire ne comprend que très active, a du déterminer beaucoup de ces mutations. On tenait à honneur de ne pas appartenir à un bataillon qui ne partirait pas, ou partirait des derniers. On savait que les compagnies composées en majorité d’hommes mariés ne seraient appelées que très tard ; c’était là un sérieux motif d’aviser. Il est probable aussi, comme on l’a dit, que les vivres de campagne et le plaisir d’une vie occupée ont provoqué les résolutions de quelques-uns ; mais les ressources du peuple à Paris ne sont pas si absolument limitées que ces considérations aient pu être bien puissantes. En tout cas, pour s’y arrêter il fallait faire bon marché de dangers qui peuvent être réels.

Aujourd’hui le nombre des bataillons de marche équipés est de 160 ; 110 ont déjà été aux avant-postes, 50 sont prêts à partir. Il reste à en équiper 76 environ ; mais le drap commence à devenir très rare, et il est peu probable que les 25 derniers bataillons reçoivent l’équipement complet : ils ne pourront donc être appelés qu’à un service tout spécial. L’équipement s’est fait en général par l’intendance de la garde nationale, qui recevait les vêtemens de l’Hôtel de Ville, chargé de présider aux soumissions. L’intendance a dû centraliser les objets et les distribuer. Les lettres des généraux en 92 et en 93 reviennent sans cesse sur ce fait, que c’est un grand inconvénient pour une armée d’attendre ses équipemens d’une municipalité, toujours plus ou moins partagée entre la politique et l’administration. Il est certain qu’en multipliant les intermédiaires, surtout quand ceux-ci sont chargés d’un service nouveau