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Il est hors de doute que, pour faire une loi tout à fait équitable, le mieux eût été de prendre dans tous les bataillons indistinctement les hommes des trois premières catégories jusqu’à concurrence de 100,000, effectif fixé pour le contingent que devait fournir la garde nationale ; mais contre cette manière de procéder on élevait deux objections très sérieuses. C’était détruire, disait-on, l’unité des bataillons, à laquelle les chefs comme les simples gardes, habitans du même quartier, attachaient une grande importance ; les commandans réunis à l’état-major furent presque unanimes sur ce point. Puis cette reconstruction du tout au tout eût-elle pu se faire rapidement ? Pour être tout à fait juste, n’eût-il pas fallu procéder à un recensement général, qui eût pris beaucoup de temps ? La loi était défectueuse, l’état-major et le commandant supérieur, M. Clément Thomas, le savaient mieux que personne ; mais elle devait donner aussitôt des résultats importans. Dès le 11 novembre, on pouvait avoir les cadres et l’effectif d’un grand nombre de compagnies. Dans la pratique du reste, on estimait qu’il serait facile d’atténuer les inégalités signalées de toutes parts. Le bon vouloir des officiers, l’activité des intéressés, corrigeraient peu à peu les injustices de la loi, et cependant on irait le plus vite possible, on disposerait immédiatement d’une partie des forces nouvelles qu’on demandait à la garde nationale. La préoccupation n’était pas de faire une loi irréprochable, mais d’agir sans retard, laissant au temps le soin de rendre l’œuvre moins imparfaite.

Le 11 novembre au soir, un grand nombre de commandans avaient remis au bureau des opérations militaires les états de leurs compagnies de marche. Le 18, on commença par équiper celles qui n’avaient pas été contraintes, pour se constituer, de descendre jusqu’à la catégorie des pères de famille. Quelque activité qu’on y mît, on ne pouvait habiller en un jour plus de seize à vingt-quatre compagnies, ce qui faisait une moyenne de 2,000 hommes par vingt-quatre heures. Cependant les bataillons retardataires se constituaient. Les effectifs remis à l’état-major durant les mois de novembre et de décembre sont instructifs ; ils témoignent de l’activité avec laquelle les compagnies s’efforçaient de corriger la loi. Presque tous ont été modifiés deux et trois fois. Pour prendre les dates extrêmes, au lendemain du décret, les deux tiers des bataillons comptaient chacun plus de 100 hommes mariés ; un mois plus tard, les états des mêmes corps ne présentaient plus qu’une moyenne de 30 hommes mariés, et ce nombre a sensiblement diminué depuis. Au 20 décembre, dans la majorité des bataillons, on trouvait tout au plus 8 et 10 gardes de la quatrième catégorie ; dans plusieurs on n’en voyait plus aucun. D’une façon générale, on