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près de l’atelier du forgeron. Ilmarinen lui dit : Mehiläinen, légère créature, apporte-moi du miel sur tes ailes, du miel sur ta langue, du miel extrait du suc de six fleurs, de sept tiges de gazon, pour l’acier qui doit être préparé, pour l’acier qui doit être durci. » Pendant ce temps, Herhiläinen, c’est-à-dire la guêpe, était là qui épiait à travers le toit d’écorce de bouleau l’acier qui devait être préparé, le fer qui devait être durci. Elle se glissa, en assourdissant son bourdonnement, jusqu’au vase destiné à tremper l’acier, à durcir le fer, et y répandit les matières fatales : le venin mortel du serpent, la sanie du ver, la bave brune de la fourmi, les sucs funèbres du crapaud.

Parmi les conditions imposées à Wäinämöinen était comprise encore la construction d’un instrument ou d’un objet symbolique destiné à jouer un grand rôle, dans le poème, et qu’il faut considérer probablement comme une sorte de corne d’Amalthée ou de palladium répandant autour de soi toutes prospérités et toute richesse. « Peux-tu me forger un Sampo, un Sampo au couvercle splendide ? peux-tu le forger avec les pointes des plumes d’un cygne, le lait d’une vache stérile, un petit grain d’orge, un flocon de la laine d’une brebis féconde ? » Wäinämöinen n’était pas forgeron : il promit d’envoyer le second héros, Ilmarinen, le forgeron divin. À peine arrivé dans le pays de Pohjola, Ilmarinen s’acquitte avec succès et de la fabrication du merveilleux talisman et de trois autres entreprises que la reine de ces lieux lui impose : labourer un champ rempli de vipères, museler les deux monstres du séjour des morts, capturer le grand poisson du fleuve infernal. La jeune fille l’a secouru dans ces travaux par ses utiles avis, elle l’accepte comme époux. Bientôt donc on procède à la célébration des noces, et le chant du Kalevala qui les raconte offre un morceau célèbre, souvent récité à part, aussi bien que le fragment sur les semailles et les strophes sur l’origine du fer que nous venons de citer. C’est de l’origine de la bière qu’il s’agit ici. « La bière est issue de l’orge, l’illustre boisson est née du houblon ; mais elle ne serait pas venue au monde sans le concours de l’eau, sans celui de la flamme ardente. Le houblon a été planté tout petit dans la terre, la jeune plante a grandi, la verte tige s’est développée, elle a grimpé le long d’un arbrisseau et s’est élevée jusqu’à sa cime. L’orge a été semée, l’épi a germé merveilleusement, la plante a poussé d’une façon admirable au milieu du champ défriché par le feu. Après quelque temps, le houblon a murmuré du haut de l’arbrisseau, l’orge a soupiré au milieu du champ, l’eau a parlé du fond de la source, et ils ont dit : « Quand nous unira-t-on ? quand serons-nous à côté l’un de l’autre ? La vie solitaire est triste : il vaut bien mieux s’unir à deux, s’unir à trois. » La fille prit six grains dans une