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LA POLITIQUE D’ENVAHISSEMENT.

fut après Colbert, était un honnête homme : « la guerre étant survenue, il prévit qu’il serait contraint d’avoir recours à toute sorte de moyens pour remplir les coffres du roi ; sa conscience ne lui permit pas de remplir plus longtemps cette fonction, et il l’abdiqua volontairement, » dit Saint-Simon. Impôts anciens, impôts nouveaux, emprunts forcés, extorsions de toute nature, c’était encore trop peu pour la guerre. Alors le gouvernement altéra les monnaies : il vendit les emplois ; il fit trafic des titres de noblesse. C’étaient encore de trop faibles ressources pour la politique d’envahissement. On a peine à se figurer l’inévitable pauvreté qui punit ces fiers conquérans : en 1689, le roi faisait porter à la Monnaie son argenterie pour avoir du numéraire ; en 1709, il mettait en gage ses pierreries. Sa principale ressource fut d’emprunter. La dette publique, qui avant les guerres ne dépassait pas 150 millions de capital, s’éleva progressivement à 3 milliards. Voilà ce qu’avaient coûté les victoires et les conquêtes.

Par la pauvreté du gouvernement on peut juger la misère du pays. Pour porter les forces de la France vers la guerre, il avait fallu les détacher du travail, les détourner de l’agriculture, du commerce, de l’industrie. La classe commerçante fut ruiné la première ; la guerre avec l’Allemagne arrêta l’exportation ; la guerre avec la Hollande et l’Angleterre détruisit la marine marchande aussi bien que celle de l’état. On peut remarquer d’ailleurs que, dans chaque traité, Louis XIV, pour obtenir ou garder quelques provinces, faisait volontiers des concessions douanières et sacrifiait à l’intérêt de la conquête l’intérêt du commerce. La classe industrielle fut ruinée aussi faute de débouchés pour ses produits ; la misère de la classe ouvrière en France date du règne de Louis XIV, et, si la guerre n’en est pas la cause unique, elle en est du moins la cause principale. La classe agricole fut la plus malheureuse de toutes, parce que ce fut sur elle que les impôts frappèrent le plus impitoyablement. La pauvreté s’étendit ainsi sur toute la société française comme une lèpre, et Fénelon put écrire au grand roi conquérant : « Votre peuple meurt de faim, et la France entière n’est plus qu’un grand hôpital. » À la suite de la pauvreté vint la dépopulation. Si l’on consulte les rapports des intendans qui administraient les provinces, on s’aperçoit que vers l’année 1700 cette même France qui comptait deux provinces de plus comptait un quart d’habitans en moins.

La France n’avait pourtant pas encore cessé d’être victorieuse, et voilà tout ce qu’elle gagnait à ses victoires. C’était là tout le fruit qu’elle recueillait de la politique d’envahissement. Vraiment nous pourrions dire à la Prusse : « Nos chefs ont eu autrefois la même am-