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mandent qu’à être une pépinière de chevaux pour notre armée.

Au point de vue de l’intérêt général, surtout quand on considère ce que l’on appelle avec tant de raison le premier des arts, l’agriculture, le cheval est inférieur au bœuf. Il n’a qu’une utilité, il n’est qu’auxiliaire, tandis que le bœuf est auxiliaire et alimentaire ; mais il lui deviendrait incontestablement supérieur, même pour les travaux des champs, s’il entrait dans le commerce de la boucherie. Peut-être certaines personnes regarderaient-elles cette destination si désirable comme une dérogation pour le noble animal, que l’on estime d’autant plus qu’il coûte plus cher à produire et souvent qu’il a moins d’utilité réelle. Il y a tant de gens qui n’apprécient les objets qu’en raison de leur prix élevé, de leur valeur conventionnelle ! Ce sont du reste des considérations auxquelles nous ne voulons pas nous arrêter. Par ses allures rapides, le cheval a un grand avantage sur le bœuf, et il est probable que, si par un emploi définitif à l’alimentation il donnait une garantie à ceux qui pourraient le produire et l’utiliser, il deviendrait notre seul animal auxiliaire, tandis que les grands ruminans seraient exclusivement alimentaires, consommateurs d’herbages et fabricans d’engrais. Alors serait définitivement résolue la fameuse question sur laquelle les agronomes zootechniques discutent depuis si longtemps sans pouvoir s’entendre, la question de la précocité, car il serait bientôt démontré que toutes nos races peuvent fournir avec avantage de jeunes bœufs à la boucherie. Nos races tardives ne sont pas telles par nature, quoi qu’on en dise ; elles sont telles parce que nous n’avons pas intérêt à envoyer jeunes à l’abattoir des animaux que nous élevons pour le travail. Si le bœuf n’avait d’autre rôle à remplir que celui de manger et de ruminer, on le placerait dès sa naissance dans les conditions les plus favorables à l’assimilation des alimens consommés, et naturellement on verrait se réaliser dans la conformation, les aptitudes de nos races, des améliorations qu’un demi-siècle d’efforts, de sacrifices et d’importation de races étrangères ont à peine commencées.

J.-H. Magne

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