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travail, en force motrice. Le cheval est d’un élevage dispendieux. Pour acquérir toutes ses qualités, la conformation qu’on recherche en lui, il a besoin de recevoir des alimens d’un prix élevé que les fermiers peuvent vendre sur tous les marchés. À cet égard, il diffère beaucoup des animaux domestiques qui jusqu’à ce jour ont servi d’une manière exclusive à notre subsistance. Les ruminans, les porcs surtout, consomment des matières qu’il serait difficile de vendre en nature. Ils les transforment en viande au grand avantage des éleveurs. Avec les conditions économiques qui ont existé pendant des siècles, en tenant compte des prix des denrées qui servent à la nourriture de l’homme et des animaux domestiques, on ne pouvait livrer à la boucherie que les vieux chevaux complètement usés et ceux auxquels il arrive un accident qui ne permet plus de les faire travailler, mais ne rend pas leur viande malsaine. Dans ces circonstances, on n’a pas reconnu la nécessité de changer d’anciennes habitudes, d’établir des échaudoirs pour abattre les animaux, et de laisser ouvrir des établissemens particuliers pour la vente de la viande de cheval. À ces raisons, il faut ajouter que les chevaux, les ânes et les mulets sont exposés à de graves maladies qui peuvent se communiquer à l’homme. Ce n’est sans doute pas une raison d’exclure la viande de cheval de nos tables ; mais c’est une raison pour ne pas en laisser le commerce complètement libre. Ces divers motifs expliquent le refus que l’administration a fait pendant plusieurs années aux demandes qui lui étaient adressées afin d’obtenir l’autorisation d’abattre des chevaux, et d’en vendre la viande pour la consommation. Ces refus étaient généralement approuvés. Il faut noter que, dans les villes surtout, les débris des chevaux morts étaient utilisés par l’industrie, que toutes les parties qui servent à notre nourriture pouvaient être employées à l’entretien et à l’engraissement d’autres animaux, du porc notamment ; ce précieux omnivore, grand consommateur de viande de cheval, en tire un excellent parti. Il consomme non-seulement la chair musculaire, mais encore le sang, les boyaux, les intestins, etc.

De nos jours, les conditions économiques, les conditions générales du marché des animaux domestiques changent. Depuis un demi-siècle, la consommation de la viande stimule à un haut degré la production. On abat régulièrement toutes les semaines des vaches, des moutons et des veaux, souvent des bœufs, dans beaucoup de campagnes où l’usage de la viande de boucherie était autrefois extrêmement rare. Par suite des nouvelles habitudes, favorisées par l’accroissement du bien-être général, le prix de la viande a augmenté avec une grande rapidité. À chaque augmentation, on a dit : C’est l’effet de la sécheresse ou de la pluie ; c’est une