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des engrais sont, il est vrai, les plus avancés par leur civilisation, mais les moins étendus. Dès la plus haute antiquité, les peuples de l’Asie consommaient la viande du cheval et de l’âne. « De tous les jours de l’année, nous apprend Athénée, les Perses honorent particulièrement celui de leur naissance ; c’est pourquoi il est d’usage chez eux de servir ce jour-là plus de mets que les autres jours. On sert même alors sur la table des riches un bœuf, un âne, un cheval, un chameau, et tout entiers, rôtis à la cheminée. Quant aux pauvres, ils n’ont à manger que du petit bétail, des moutons, des chèvres et peu de mets[1]. »

Après avoir décrit les conditions de fertilité de la Chine et avoir indiqué les animaux qui contribuent à la nourriture des Chinois, le porc notamment, dont ils font une grande consommation, le père Duhalde nous apprend que la chair des jumens sauvages est très estimée[2]. Xénophon dit qu’il y avait dans les déserts de la Mésopotamie des ânes qu’on ne pouvait suivre à la course, et qui avaient une chair semblable à celle du cerf, mais plus délicate. D’après des voyageurs modernes, la chasse aux ânes sauvages est encore fort pratiquée en Orient. Le roi de Perse prend plaisir à poursuivre ceux qui vivent dans les déserts des environs de Téhéran, où poussent des plantes salées, et il se livre avec ardeur à cette chasse. Les grands, dans cette partie de l’Asie, s’adressent des quartiers de ce gibier comme on s’adresse en Europe des quartiers de chevreuil.

On trouve en Afrique plusieurs espèces du genre cheval : le zèbre, le daw, le couagga, dont les habitans se nourrissent. Le père Marmol donne à ce sujet des détails qui ont été confirmés par les auteurs les plus récens. « Les chevaux sauvages, dit-il, sont fort rares, et vivent dans les déserts d’Arabie et de Libye. Les Arabes les prennent pour des bêtes farouches et les mangent, et l’on assure que c’est une viande fort délicate quand ils sont jeunes… ; on leur dresse des pièges aux lieux où ils viennent boire, et on les prend ainsi. L’âne sauvage est gris ; il y en a quantité dans les déserts de Numidie et de Libye et aux pays circonvoisins. Ils vont si vite qu’il n’y a que les barbares qui les puissent atteindre à la course. Dès qu’ils voient un homme, ils s’arrêtent après avoir jeté un cri, font une ruade, et, lorsqu’il est proche, ils commencent à courir : ils vont par troupes en pâture et à l’abreuvoir. La chair en est fort bonne, mais il faut la laisser refroidir deux jours lorsqu’elle est cuite, parce que autrement elle sent trop la venaison[3]. » D’après ce

  1. Athénée, Banquet des savans, t. II, liv. iv.
  2. Histoire générale des voyages, liv. ii.
  3. L’Afrique de Marmol ; trad. de Nicolai Perrot, sieur d’Ablancourt, 1665.