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II.

Cette capitulation, acceptée par les représentans du peuple et par les généraux français après trois mois et demi de siège, après vingt-six jours de bombardement, n’avait rien que d’honorable pour ceux qui la signaient. Plus de 2,000 hommes étaient tombés dans les différentes sorties de la garnison ; avec les 17,000 ou 18,000 combattans que l’on pouvait encore mettre en ligne, il ne restait aucun espoir de se frayer un passage à travers 60,000 assiégeans fortement retranchés et armés de 207 bouches à feu, tandis que l’artillerie de campagne manquait aux assiégés. Où aller d’ailleurs à cette distance de la frontière et loin de tout secours ? Derrière l’armée qui investissait la place, deux autres armées occupaient le pays, fermant la route de la France. Si on franchissait le premier obstacle, franchirait-on le second et le troisième ? Ne serait-on pas écrasé par des forces si supérieures avant d’avoir pu sortir des lignes ennemies ? Si on avait su où se trouvaient les deux armées françaises de la Moselle et du Rhin, l’une commandée par Bouchard, l’autre par Beauharnais, on aurait peut-être tenté un effort désespéré pour leur donner la main ; mais aucune nouvelle du dehors ne pénétrait dans Mayence. Les messagers qu’on avait envoyés ne reparaissaient plus. Un voyageur qui partait pour la Suisse, un prêtre qui prenait la route des Pays-Bas, un espion qu’on avait chargé de faire connaître au gouvernement français la situation des assiégés, n’avaient donné depuis leur départ aucun signe de vie. On jetait en vain des filets sur le Rhin, avec le vague espoir qu’on y trouverait peut-être quelque message enfermé dans une bouteille, et confié au cours du fleuve. La garnison en était toujours réduite aux renseignemens que lui transmettaient les Prussiens. Par cette voie, il ne lui arrivait guère, nous l’avons vu, que de fausses nouvelles. Peu de jours encore avant la capitulation, les assiégeans essayaient de lui faire croire que 30,000 Français venaient d’être dispersés en marchant au secours des assiégés. Dans cette ignorance absolue de ce qui se passait au dehors, Merlin de Thionville pensa qu’il fallait conserver à son pays d’excellentes troupes dont la France aurait peut-être besoin ailleurs. Ces 17,000 hommes enlevés à la défense de la frontière, mais gardant leurs armes et libres de servir ailleurs, allaient en effet rendre disponibles des forces retenues à l’intérieur par l’insurrection de la Vendée, où l’on envoya les Mayençais. La France n’y perdait rien. Les inconvéniens de la capitulation se réduisaient pour elle à un simple déplacement de troupes. Les défenseurs de Mayence ne doutaient point qu’on ne reprît avec avantage l’offensive sur le Rhin quand on le voudrait,