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l’argent du contribuable a-t-il été détourné de son adresse ? C’est ce qu’il s’agit d’examiner en présentant l’exposé de notre organisation financière.


II.

Le système qui a fonctionné depuis 1852, qui fonctionne encore aujourd’hui, n’est que pour une faible partie l’œuvre du dernier empire ; il est le fruit de l’expérience des divers gouvernemens qui se sont succédé. Formé par la première république des débris de l’ancienne administration monarchique et des élémens nouveaux sortis de la révolution, modifié par le premier empire, qui y introduisit ses idées d’ordre, de méthode et d’absolutisme, il reçut surtout de grands perfectionnement sous la restauration et le gouvernement de juillet. Le second empire y a peu touché, et les changemens apportés depuis dix-huit ans affectent presque exclusivement le côté politique du système, c’est-à-dire la partie relative à l’autorisation des recettes et des dépenses publiques.

Le principe qui a toujours été défendu en France, et qui a prévalu même dans les anciennes assemblées des états-généraux, le principe du consentement de l’impôt par le pays, est encore celui qui forme la base de notre édifice financier ; mais il a pris avec nos institutions modernes plus de consistance et de rigueur : il ne veut pas seulement qu’aucun centime ne puisse être exigé du contribuable, il veut encore qu’aucun centime ne puisse sortir des caisses de l’état sans l’autorisation du pouvoir législatif. Cette autorisation se trouve exprimée dans une série d’actes dont la forme a varié suivant les époques, et parmi lesquels apparaît en première ligne le budget.

Le budget est la plus importante des lois de finances, celle où la nation, par l’organe de ses représentans, estime chaque année la nature et le chiffre des dépenses nécessaires aux services publics, ainsi que la nature et le chiffre des ressources destinées à y faire face. Cet acte, dont le bon ordre et l’harmonie forment une des garanties les plus essentielles de l’administration des finances, a subi sous le second empire d’assez profondes modifications. Jusqu’en 1862, il est resté réuni en un seul corps, et a été voté en une seule loi. À partir de cette époque, il a été fractionné en plusieurs tronçons. On cherchait évidemment à obtenir par cette division une disposition plus méthodique et plus claire ; mais peut-être n’était-on pas fâché de jeter en même temps un voile discret sur l’aggravation toujours croissante des charges de l’état, sur ce chiffre de 2 milliards qui affectait si péniblement l’opinion publique. Le mi-