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LES FINANCES DE L’EMPIRE.

obligations mexicaines, puis diverses créations, notamment au profit de la Légion d’honneur, au nom des héritiers de la reine des Belges, pour le rachat du Palais de l’industrie, pour le rétablissement d’une partie du majorat du duc d’Istrie, etc.

La dette totale, qui en 1852 comprenait 230 millions de rentes actives, s’était élevée au 1er  janvier 1870, déduction faite des réductions opérées et des rachats de l’amortissement, à la somme énorme de 360 millions, présentant ainsi une augmentation de 130 millions. Si l’on ajoute les 37 millions et demi résultant du dernier emprunt de 750 millions contracté pendant l’année 1870, on reconnaît que la dette consolidée était au moment de la révolution de septembre de 408 millions environ, et que l’accroissement imputable à l’empire n’est pas inférieur à 167 millions. Les rachats effectués par l’amortissement ont gardé les plus modestes proportions. Ils n’ont pas dépassé pour tout le règne 5,392,231 francs de rentes, tandis qu’ils s’étaient élevés sous la restauration à 54 millions, et sous le gouvernement de juillet à 26 millions.

La dette viagère n’a pas subi des modifications moins considérables. À la suite des charges nouvelles imposées à l’état par la loi du 13 juin 1853 sur les pensions civiles et de l’élévation du chiffre des pensions militaires, elle a monté successivement de 60 à 86 millions.

Cette revue rapide des principales opérations et des résultats généraux de l’administration des finances permet d’apprécier l’esprit qui a présidé à la direction de la fortune de la France pendant les dix-huit années qui viennent de s’écouler. Il en ressort que les principes d’économie ont été rarement pris en considération, et que la politique du gouvernement s’est médiocrement inquiétée d’user avec modération des ressources du pays, La question d’argent n’a pas arrêté son besoin de faire, son désir de mouvement, sa passion de l’éclat. Il a eu au suprême degré le goût de la dépense, et l’a fait régner non-seulement dans l’administration des finances de l’état, mais encore dans celle des départemens et des communes. Obéissant à une sorte de mot d’ordre venu d’en haut, on voit en effet les provinces et les villes entreprendre à l’envi, s’imposer, emprunter, pour parvenir toutes au même résultat : l’aggravation de leurs charges et l’accroissement de leur dette.

Mais si l’on peut reprocher au gouvernement impérial d’avoir surmené les finances publiques, peut-on reprocher à l’administration d’avoir laissé le désordre matériel s’introduire dans les opérations ? La prodigalité a-t-elle trouvé une plus libre carrière dans l’absence de tout contrôle et dans le défaut de toute garantie ? Les fonds de l’état ont-ils été livrés à la merci des maîtres du pouvoir ?