Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Montrouge, — en composèrent une autre sous les ordres du contre-amiral Pothuau. Deux batteries importantes, celle de Montmartre, depuis démembrée, et celle de Saint-Ouen, reçurent pour commandans deux capitaines de frégate, MM. Couderis et Lamothe-Tenet. Il est bon d’ajouter que les attributions de ces officiers supérieurs n’étaient pas exclusives ni inflexibles, et dépassaient très souvent l’enceinte du fort ou même le cercle de la division. C’est ainsi que les amiraux divisionnaires, parfois même des capitaines de vaisseau, ont eu la conduite d’opérations extérieures dont les marins ne composaient que l’un des élémens, et dans lesquelles les deux armes, devant agir en commun, relevaient d’une assimilation temporaire.

Au fond pourtant une règle domina, et on peut dire qu’elle a été le préservatif de la discipline, c’est qu’un fort devait être considéré comme un vaisseau et tenu comme tel. Rien de plus sage que l’arrêté du 13 août, qui a fait une réalité de ce qui ressemble à une analogie littéraire ; les treize articles dont il se compose sont autant de garanties contre tout esprit et toute tentation de désordre. Ainsi les officiers doivent loger et tenir leur table dans les forts ; aucune permission ne peut être accordée aux marins et aux officiers mariniers avant que le commandant en chef ait donné des ordres à ce sujet. Des officiers mariniers en petit nombre peuvent seuls en obtenir, s’ils démontrent que leurs parens habitent effectivement Paris, et dans tous les cas les permissionnaires doivent être rentrés dans les forts avant le coucher du soleil ; même obligation pour ceux qui ont à faire des corvées au dehors des forts à raison des nécessités du service. Enfin, après le soleil couché, les portes rigoureusement fermées ne s’ouvrent plus que pour les officiers. Le fort, gouverné de la sorte, est bien un vaisseau ; il impose à la garnison la même vie de séquestre, il est la meilleure école que l’on puisse avoir de bonnes habitudes et de bonnes mœurs, il assure en outre la prompte exécution des travaux.

Les difficultés de ces travaux étaient considérables ; elles provenaient en grande partie de ce qu’à l’époque où nos ouvrages de défense avaient été construits, les ingénieurs ne pouvaient prévoir les grandes portées qu’atteindraient de nos jours l’artillerie de position et l’artillerie de campagne. Le temps manquait pour y remédier absolument : tout au plus pouvait-on suppléer aux lacunes les plus manifestes par des redoutes auxiliaires ou des batteries volantes, comme on l’a fait avant et après l’investissement ; mais dans les forts mêmes que d’œuvres supplémentaires, que de remaniement indispensables, que de soins à donner au détail et à l’ensemble après un si long abandon ! À les voir ainsi, on se pre-