même temps les quatre régimens d’infanterie de marine partaient de Cherbourg, de Brest, de Toulon et de Rochefort pour rejoindre l’armée qui se formait au camp de Châlons, tandis que la partie restée disponible de nos équipages de ligne était dirigée sur Paris pour concourir à sa défense.
I.
Ces événemens se passaient dans la première quinzaine du mois d’août. On se souvient de la stupeur qu’ils répandirent dans le pays. À peine y voulait on croire, tant ils répondaient peu aux espérances de tous. Les témoignages étaient pourtant aussi sûrs que navrans. Non-seulement notre armée en désarroi avait quitté l’offensive, mais elle renonçait même à défendre les défilés des Vosges, notre rempart avancé. Mac-Mahon entait dans nos provinces en quête de ses soldats, Bazaine se repliait sur Metz avec ses troupes intactes et les vaincus de Forbach. Rien qui ne fût sombre et menaçant. Paris, dégarni de troupes, était en proie à des agitations nerveuses, à des impatiences d’agir, à des chocs d’opinion, qui le laissaient à la merci de toutes les surprises. Il ne voyait de sécurité ni chez lui ni au dehors, il ne savait même pas à qui serait confiée la garde des forts et des remparts dont on l’avait entouré, et qui devaient en tout cas le préserver d’un coup de main. Sur ce dernier point pourtant, une satisfaction presque immédiate allait nous être donnée. Cinq jours après Reischofen, le 11 et le 12 août, les premiers marins mirent pied à terre dans la gare de l’Ouest, et presque jour par jour des convois analogues se succédèrent. Les autorités maritimes, on le voit, n’avaient pas perdu de temps. Pour la foule qui assistait à l’arrivée des wagons, c’était un spectacle et une fête. Elle n’avait alors comme distraction que des corps de pompiers dont la courte exhibition n’avait pas été heureuse, ou des mobiles de province qui n’avaient encore ni l’uniforme régulier, ni l’allure martiale qu’ils ont aujourd’hui. Tout autre était l’aspect de ces hardis compagnons, à l’air résolu, pittoresques à voir, avec leur chapeau en cuir à bords retroussés et leur col de chemise étalé sur les épaules. Leurs physionomies respiraient une confiance qui gagnait les plus timides, et en songeant que nos forts allaient être placés sous leur garde on se sentait raffermi.
La constitution de cette troupe, commencée dans les ports divisionnaires, s’acheva dans Paris avec cette célérité que la marine met à tout ce qu’elle fait. À peine le concours des officiers et des équipages eut-il été admis qu’on ramena dans les bassins la flotte