transcendantes dont se pique l’Allemagne ont donné quelquefois cet exemple d’humanité dans des temps que nous appelons barbares, témoin les habitans de Soleure, qui, assiégés en 1318 par Léopold, duc d’Autriche, sauvèrent la vie à des soldats ennemis qu’une crue subite de l’Aar avait précipités dans la rivière. Les guerres maritimes abondent en traits de magnanimité qui témoignent du respect qu’inspirent aux âmes généreuses les victimes d’un naufrage. Un jour, c’est un vaisseau anglais que la tempête force à se réfugier dans le port de La Havane, chez les Espagnols, avec lesquels la Grande-Bretagne est en guerre, et que le gouverneur de l’île de Cuba, ne voulant pas abuser du malheur de l’équipage pour le retenir prisonnier, renvoie muni d’un sauf-conduit jusqu’au-delà des Bermudes. Un autre jour, c’est le commandant français du Croisic qui, avec ses marins, sauve au péril de sa vie une frégate anglaise en détresse aux environs de Belle-Ile, et, après avoir arraché son ennemi à la mer, lui permet de prendre le large. Ces souvenirs chevaleresques n’empêcheront pas M. de Bismarck de mettre sous bonne garde nos aéronautes, si le malheur veut qu’ils tombent entre ses mains. Déjà même on annonce que plusieurs d’entre eux sont conduits, pour y être jugés, dans les forteresses fédérales. On les aurait épargnés et respectés il y a quelques centaines d’années ; on les arrête aujourd’hui, on les fusillera peut-être, en vertu de la loi du progrès !
Le bombardement des villes ouvertes n’est pas non plus un fait commun dans l’histoire des peuples civilisés, surtout quand cette agression précède toute tentative de défense, et sert uniquement de prétexte au vainqueur pour traiter le vaincu aussi durement que s’il s’était défendu. On dirait que nos ennemis veulent entrer en guerre, même avec ceux qui ne se défendent pas, pour justifier d’avance l’âpreté de leurs réquisitions et doubler leur part de butin. Le chapitre des spoliations ne sera pas pour la Prusse le plus honorable de cette guerre, s’il est vrai, comme tant de renseignemens le font croire, que beaucoup de particuliers aient dû livrer leur argenterie et leurs bijoux non à des soldats maraudeurs, mais à des officiers d’un grade élevé, — que de nombreuses voitures suivent l’armée d’invasion pour emporter nos dépouilles, les vêtemens, le linge, le vin, les meubles, les œuvres d’art, tous les objets précieux, dont les troupes allemandes s’emparent en protestant de la pureté de leurs intentions et de l’innocence de leurs procédés. On parle même de personnes régulièrement rançonnées qui, arrêtées par ordre supérieur, n’auraient été remises en liberté qu’à prix d’argent. D’autres sont emmenées en Allemagne comme otages, rendues responsables, sur leur fortune et même sur leur vie, d’événemens