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avait mis à l’ordre du jour de toutes les sociétés de bienfaisance, et la conférence, réunie à la fin de la même année à Genève, fut composée de délégués de quatorze nations. Elle résolut la formation immédiate de comités pour concourir dans chaque pays au service de santé des armées, et elle émit le vœu que la neutralité des ambulances et des hôpitaux, des médecins, des blessés, des personnes qui les secourent, fût proclamée en temps de guerre par les puissances belligérantes, garantie par un traité et assurée par l’adoption d’un signe distinctif. Des démarches continuées par M. Moynier et ses collègues, appuyées par tous les membres de la conférence, eurent pour résultat l’invitation faite à tous les états par le conseil fédéral suisse de vouloir bien envoyer à Genève des plénipotentiaires. Grâce à M. le général Favé, la France favorisa vivement la proposition. Le 8 août 1864, vingt-six délégués de seize états[1] arrivaient à Genève, et se mettaient à l’œuvre sous la présidence du général Dufour, commandant en chef de l’armée suisse. Le traité fut signé le 22 août et successivement ratifié de 1864 à 1868 par toutes les puissances chrétiennes et même par la Turquie. Il oblige vingt-deux gouvernemens. Les États-Unis, qui avaient envoyé des délégués, n’ont pas encore adhéré à la convention. Proposée, rédigée, acceptée, pratiquée en si peu d’années, cette convention est assurément l’un des plus beaux triomphes que la-libre initiative ait obtenus des gouvernemens de l’Europe.

L’œuvre de Genève est double. La neutralisation légale des services de santé des armées et la formation des sociétés de secours en faveur des blessés sont dues à la même impulsion ; mais elles ne doivent pas être confondues. Je raconterai brièvement et séparément les résultats de chacune de ces deux grandes entreprises d’humanité.

La convention de Genève, du 22 août 1864, déclare neutres : 1° les lieux de traitement des blessés, hôpitaux et ambulances ; 2° le personnel des hôpitaux et ambulances, intendance, services de santé, d’administration, de transport, et les aumôniers ; 3° le matériel des ambulances, mais non celui des hôpitaux fixes ; 4° les habitans du pays qui portent secours aux blessés ; 5° les militaires blessés ou malades eux-mêmes pendant la durée du séjour à l’hôpital ou à l’ambulance ; 6° le drapeau et le brassard portant la croix rouge sur fond blanc, adopté comme signe distinctif et uniforme pour marquer la neutralité des lieux, des personnes et des choses,

  1. Angleterre, Bade, Belgique, Danemark, Espagne, États-Unis, France, Hesse, Italie, Pays-Bas, Portugal, Prusse, Russie, Suède, Suisse, Wurtemberg. La France était représentée par M. l’intendant de Préval, le docteur Boufier et M. Jagerschmidt, délégué des affaires étrangères.