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sur une grave question intéressant la science historique, un des nôtres a lutté contre des concurrens d’Allemagne, et, croyons-nous, avec plein avantage. Après l’horrible guerre qui divise en ce moment deux grandes nations si nécessaires l’une à l’autre, nous reprendrons nos traditions de travail ardent et dévoué ; c’est là une autre sorte de combat pour lequel nous ferons bien de ne pas nous défier de nos positions acquises et de notre propre terrain, et de ne pas nous laisser trahir, comme il pouvait arriver par une estime quelquefois exagérée des forces de nos adversaires.

Le volume de M. Dumont est destiné à compter dans la science ; c’est un travail de première main, un ensemble de solutions destinées, bien qu’elles soient toutes de détail, à jeter une utile lumière sur toute une partie importante de l’histoire de l’antiquité. Le jeune érudit qui en est l’auteur, membre de notre école française d’Athènes, puis chargé de mission en Thrace, s’est déjà fait un nom auprès des savans, et dès maintenant il compte pour eux, grâce à de nombreuses publications spéciales, comme devant tenir un des premiers rangs parmi ceux qui s’occupent chez nous d’archéologie figurée. Son nouvel Essai est une étude épigraphique de nature à profiter à l’histoire générale.

La 122e olympiade correspond aux années 292-289 avant l’ère chrétienne. Pendant les deux siècles qui précèdent cette date, on a complète la liste des archontes d’Athènes, soit par la grande inscription grecque dite Marbre de Paros, conservée aujourd’hui à la bibliothèque de l’université d’Oxford, soit par les indications des historiens grecs. A partir de cette époque, les lacunes se multiplient, les indications sont éparses, les séries ne peuvent plus facilement être constituées. La chronologie serait cependant aussi intéressée à posséder les listes entières des archontes d’Athènes qu’elle l’est à la conservation des Fastes romains, par exemple, et non-seulement la chronologie, mais toute l’histoire des faits politiques, artistiques ou littéraires. C’est à la grande lacune de la chronologie athénienne que le travail récent de M. Dumont se propose de remédier. Il a entrepris de restituer la série des archontes depuis la 122e olympiade, c’est-à-dire depuis l’époque des successeurs d’Alexandre jusqu’au IIIe siècle après Jésus-Christ ; il s’agit donc de toute la seconde moitié de l’histoire grecque, de la vaste période pendant laquelle, dans le domaine des lettres et des arts, sinon dans celui de la politique et des armes, le monde grec a exercé une si persistante influence. M. Dumont avait eu des devanciers : Scaliger, Corsini, Clinton, Boeckh, d’autres encore, mais auxquels manquaient les documens nouveaux dont il a pu faire usage : nous voulons parler des inscriptions dites éphébiques. Au temps de la liberté, on appelait éphèbes à Athènes les jeunes hommes de dix-huit à dix-neuf ans. Ils formaient une sorte de garde civique destinée à faire des promenades militaires et des campemens au dehors de la ville, pour tenir en respect les ennemis ou les