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organisateur attachait une importance capitale au partage du département de la guerre en deux branches très distinctes, le commandement et l’administration, les généraux et les intendans. Le corps de l’intendance était alors, par l’instruction, le choix, l’intelligence, très supérieur au corps de santé. Soigner les troupes fut toujours aux yeux de l’empereur un service subalterne rentrant dans la besogne. de l’administration avec les transports, les vivres et les logemens. Animé de ces dispositions, il écouta quelquefois, il n’exauça jamais les doléances des officiers de santé, quand ils se plaignaient d’être réduits à l’état de rouage administratif. « Je répugne infiniment à rester à l’armée sous le régime administratif, écrivait le vieux Percy en 1806 au maréchal Duroc, et il me serait impossible de rentrer en campagne, s’il fallait y être encore dans l’état de pénurie, de détresse, de cruel et honteux dénûment dans lequel nous nous sommes vus. »

La dette de reconnaissance de la nation envers les bienfaiteurs du soldat fut peu à peu payée par les gouvernemens qui succédèrent à l’empire, sans que la subordination du médecin à l’administration de la guerre cessât d’être la lourde règle et l’article premier de toutes les législations. Les mesures de 1814 et 1816, l’ordonnance du 10 septembre 1826, la loi du 19 mai 1834, les ordonnances du 12 août 1836 et du 19 octobre 1841, ont réorganisé le conseil de santé, rendu au médecin son rang dans l’armée, divisé les écoles en hôpitaux d’instruction et de perfectionnement, rétabli le concours, augmenté les traitemens, et à chacun de ces progrès a correspondu dans le corps entier une meilleure instruction, des travaux scientifiques importans, le perfectionnement des hôpitaux, des ambulances, des instrumens ; mais si le titre d’officier de santé militaire, qui n’appartient qu’à des docteurs reçus au concours, est dans les termes de la loi un grade, pour l’intendance il n’a pas cessé d’être un emploi. Assimilation a été le droit, subordination a été le fait pendant toute la durée des gouvernemens de 1815 et de 1830, auxquels le service de santé militaire est pourtant si redevable. Heureusement à la fin de cette période, de nombreux écrits, les travaux de commissions compétentes, des polémiques répétées, avaient créé, du moins dans le public scientifique et militaire, un mouvement d’opinion très marqué. La Belgique, la Prusse, l’Autriche, l’Angleterre, par des mesures successives, avaient constitué le service sanitaire de leurs armées d’une manière indépendante, et la France elle-même venait d’organiser d’après les mêmes erremens (ordonnance du 14 juin 1844) le corps des officiers de santé de la marine attachés aux arsenaux et aux escadres. Ces précédens et ces longues réclamations eurent enfin pour résultat le décret du