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l’armée pendant cinquante-six ans. La reconnaissance publique a élevé par la main de David d’Angers une statue à Ambroise Paré dans sa ville natale de Laval, — une statue à Dominique Larrey dans la cour du Val-de-Grâce, comme un modèle offert à tous les chirurgiens qui entrent dans ce grand hôpital militaire. Sur la première, on lit ces simples et belles paroles : je le pansai, Dieu le guarit, et sur la seconde on a gravé ces mots du testament de Napoléon Ier : Larrey est l’homme le plus vertueux que j’aie connu.


II

Honoré par de tels hommes, formé sous le feu, ayant à tous les coins de l’Europe affronté la fatigue et combattu la mort, le corps de santé militaire a-t-il vu pendant le premier empire sa condition améliorée, élevée, nettement définie par la loi ? Nullement. Napoléon témoigna beaucoup d’estime à Percy, à Larrey, à Desgenettes ; mais il ne fit rien ou presque rien pour le corps de santé militaire malgré les réclamations qui lui furent présentées, notamment au camp de Boulogne et en 1810. Le décret du 7 mai 1793 avait assimilé les officiers de santé aux officiers de l’armée pour la solde et le rang. Le directoire les priva en 1796 de plusieurs des avantages de cette assimilation, et lorsqu’ils furent admis à la pension de retraite en 1797, ils se virent refuser le traitement de réforme et l’entrée dans le cadre de réserve. Le conseil de santé, détruit, puis rétabli en 1800, fut de nouveau supprimé en 1802 par Napoléon, qui n’aimait pas les corps consultatifs, et remplacé par des inspecteurs généraux, Coste, Percy, Desgenettes, Heurteloup, Larrey, Parmentier, chargés à la fois de faire des cours, d’examiner les élèves, de visiter les hôpitaux, de suivre les armées. L’enseignement régulier dans les écoles de santé de Paris, Montpellier, Strasbourg, ou dans les hôpitaux militaires d’instruction, établi en 1795 par Fourcroy, fut désorganisé par la guerre, qui entraîna maîtres et élèves, et on le rétablit seulement, avec le conseil de santé, en 1814 et 1816. Il est certain que Napoléon, comme Frédéric, Pierre le Grand, Richelieu, Condé, ne pensait pas beaucoup aux morts et aux blessés ; il avait d’ailleurs trouvé le corps de santé militaire à peu près licencié, et il avait introduit dans l’armée, par une sorte de conscription précédée d’examens de pure forme, des apprentis médicaux peu dignes des honneurs militaires, s’ils n’avaient été dirigés par des maîtres capables de faire des prodiges avec les plus faibles ressources. À ces motus de la négligence, du dédain même de Napoléon Ier envers les médecins de ses soldats, se joignit dès le principe une autre et plus décisive raison. Ce grand