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l’œuvre de l’habile intendant Fontanieux, passé de l’administration civile à l’administration militaire, et qui introduisit dans cette nouvelle branche du service public l’esprit de détail et de subordination si nécessaire, mais si facilement exagéré, dont les traditions et les exigences ne sont pas perdues. La corruption ne manqua pas d’envahir ce service comme tous les autres à la fin du lamentable règne de Louis XV. Lorsque le duc de Choiseul en 1761 nomma M. de Chamousset intendant-général des hôpitaux sédentaires de l’armée du roi, ces établissemens étaient abandonnés à des entrepreneurs qui choisissaient et payaient les chirurgiens, médecins et pharmaciens, nommés sans aucun concours, et telle était l’impéritie de ces praticiens, que les soldats, dit ce célèbre intendant, « craignaient beaucoup plus leurs instrumens que les armes des ennemis. » Il fut obligé d’emmener un chirurgien et un pharmacien de son choix lorsqu’il alla rejoindre à Cassel l’armée du maréchal de Broglie. Une compagnie d’entrepreneurs des soixante hôpitaux de l’armée venait de faire faillite. M. de Chamousset exigea que toutes les places de chirurgiens fussent données au concours, il créa des économes, établit une pharmacie centrale, réforma la comptabilité, proposa l’union des hôpitaux militaires aux hôpitaux civils, la formation d’infirmiers soldats ou religieux comme les frères de Saint-Alexis en Allemagne. Ce n’était pas le moment des réformateurs. En 1771, M. de Chamousset fut dénoncé, traqué, destitué, et le service était tombé dans un tel état en 1788 que la France ne pouvait disposer pour ses armées en activité que de 170 médecins, chirurgiens ou élèves, tirés des hôpitaux militaires de Metz, Lille, Strasbourg et Toulon, tandis que l’ordonnance de 1708 en avait créé 200. Heureusement des hommes de science et de courage, Coste, Lapeyronie, Lorentz, Garengeot, Helvétius, Chapelain et Castelan, Petit, Percy, Parmentier, honoraient la profession, et le Journal de Médecine militaire, fondé en 1780, recevait les tributs qu’ils trouvaient le temps de fournir à la science. Le moment approchait où la guerre allait accabler, mais régénérer la France, où une idée plus nette et plus haute du droit des hommes allait pénétrer toutes les institutions. La médecine et la chirurgie des armées eurent aussi leur révolution ; un décret de la convention en date du 7 août 1793 indiqua le nouveau caractère de l’institution du service de santé militaire par ce titre énergique du premier paragraphe : des droits des militaires en maladie.

Deux ans auparavant, au mois de juin 1791, l’assemblée constituante avait décrété dans chaque département une conscription libre de gardes nationales de bonne volonté[1]. Les volontaires

  1. Les Volontaires de 1791, par M. Camille Rousset.