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respecté, citoyen loyal, bienfaiteur et modèle du peuple et de l’armée. Il a lui-même résumé sa vie dans ces mots de l’avis au lecteur qui précède ses œuvres : « J’ai veu les guerres, où l’on traicte les blessés sans fard et sans les mignarder à la façon des villes. Je me suis trouvé en campagne, aux batailles, escarmouches, assaults et sièges de villes et forteresses, aussi enclos ès villages avec les assiégés, ayant charge de traicter les blessés. Et Dieu sçait combien le jugement d’un homme se parfaict en cet exercice, où, le gain estant éloigné, le seul honneur vous est proposé, et l’amitié de tant de braves soldats auxquels on sauve la vie, ainsi qu’après Dieu je puis me vanter d’avoir faict à un nombre infini. » C’est en quelques lignes sa carrière, son âme et l’éloge de sa profession.

Le souvenir d’un tel homme était peut-être présent à Sully, lorsqu’il établit en 1597, à l’occasion du siège d’Amiens, des ambulances pour suivre les mouvemens des troupes. Il y avait déjà de nombreux hôpitaux sédentaires ouverts aux militaires, comme à tous les malades, et quelques-uns, comme ceux de Laon, Sens, Lyon, Paris, étaient à peu près aussi anciens que la fondation du christianisme sous les premières races. C’est seulement au XVIIe siècle, je crois, que les rois, qui étaient en possession du droit d’envoyer dans toutes les abbayes, sous le nom de religieux lais ou d’oblats, des blessés, invalides ou vétérans, fondèrent des hôpitaux ou hospices militaires spéciaux, tels que les Invalides (1659), Bourbonne (1730), l’hôpital militaire des gardes françaises à Paris (1759), puis à Metz, Strasbourg, Lille et en tant d’autres villes ; mais les armées en campagne étaient suivies par une bande de charlatans et de vendeurs de remèdes, et les blessés sur le champ de bataille étaient presque abandonnés. Sully, Richelieu, prirent quelques mesures pour leur soulagement, dont il ne paraît pas que Louvois se soit occupé. Enfin un édit du 17 janvier 1708 créa un service permanent de conseillers de sa majesté, médecins et chirurgiens, inspecteurs généraux et majors, à la suite des armées et dans les hôpitaux des places de guerre.

Le XVIIe siècle a inauguré, le XVIIIe siècle a continué l’organisation régulière du service de santé militaire, soit dans les hôpitaux, soit dans les camps. Le recrutement des officiers de santé, l’instruction des élèves dans les amphithéâtres annexés aux principaux hôpitaux militaires, et qui ont précédé les amphithéâtres des facultés de médecine, l’établissement d’un conseil ou directoire central de santé, l’envoi d’inspections régulières, l’assimilation des médecins et chirurgiens militaires aux officiers de l’armée, furent l’objet de règlemens nombreux, détaillés, parmi lesquels ceux de 1747, 1780, 1788, méritent d’être cités. Le premier était