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présentation des états de service. Quand il s’est agi de la nomination des capitaines, lieutenans et sous-lieutenans, la compétition a été vive, et, selon l’esprit qui prévalait dans les quartiers, les gardes nationaux ont obéi soit à des préoccupations politiques, soit à des préoccupations militaires. Les uns, dans leur ressentiment contre le régime déchu, n’ont voulu entendre parler que de candidats dont les convictions républicaines fussent bien nettement accusées, et ils ont porté leurs voix sur les chefs populaires de l’opposition démocratique qui s’étaient fait connaître, pendant les dernières années du second empire, dans les réunions publiques, ou dans les assemblées électorales, ou dans les comités des associations ouvrières. Les autres, désireux surtout de se bien préparer à la bataille, qu’ils croyaient prochaine, voulurent appliquer au choix des officiers les mêmes règles qu’au choix des instructeurs, et ne considérer dans les titres des candidats que les campagnes, les blessures et les distinctions obtenues à l’armée. Cette façon de procéder était parfaitement raisonnable ; mais il arriva que, les officiers de l’armée active retraités ou démissionnaires ayant été presque tous rappelés au service, les compagnies ne purent mettre à leur tête que d’anciens sous-officiers d’infanterie ou de cavalerie. Dans l’un et l’autre cas, on était loin de la perfection. La plupart des officiers élus pour leurs opinions politiques ignoraient jusqu’aux élémens de ce qu’ils auraient dû apprendre à leurs soldats. Quant aux sergens et aux maréchaux des logis de l’armée, excellens sous-officiers sans aucun doute, ils n’avaient en général ni l’autorité ni l’instruction qu’il eût fallu pour le commandement d’une compagnie. Restaient les chefs de bataillon, et ici la difficulté s’augmentait encore. Contrairement à ce qui s’était passé pour les autres grades, les candidats manquaient parfois. Il se présenta cependant un certain nombre de vieux soldats qui se trouvaient être disponibles, capitaines en retraite pour la plupart, et des notabilités politiques de nuance et de valeur très diverses. Les élections des commandans présentèrent donc aussi deux caractères bien tranchés, l’élément politique et l’élément militaire prédominèrent tour à tour. Ici l’on se donna des chefs qui avaient tout à apprendre en fait de stratégie.et de tactique, à commencer par l’école du bataillon. Ailleurs on eut affaire à des hommes qui, justement pour avoir pratiqué pendant de longues années la vie des camps, étaient profondément imbus de préjugés militaires, avaient grand’peine à prendre au sérieux leur rôle, et dont quelques-uns même ne tarissaient pas en railleries sur l’étrange prétention d’opposer aux vainqueurs de Reischofen et de Sedan des bourgeois qui la veille étaient en redingote. Ces résultats des premières élections n’ont rien qui doive surprendre, et, les circonstances étant données, il n’était pas aisé de faire mieux ou même autrement. Les élections nouvelles auxquelles ont procédé les compagnies