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baissait la tête, une minorité furieuse voulut, dans un jour de vertige, donner à d’autres chefs la conduite d’un effort suprême. L’intrigue avait dressé des listes acclamées par l’égarement. Il fallut marcher le cœur sombre sur l’Hôtel de Ville envahi, et accepter la lutte contre MM. Blanqui, Flourens et leurs partisans. Vinrent le plébiscite et les élections municipales ; la politique fit oublier la guerre. Pendant ce temps se renouaient ces négociations malheureuses qu’on eût dites faites à souhait pour achever d’émousser les courages. On vivait en suspens, on semblait attendre la chute. Enfin commença le jour du réveil, et ce fut celui où les dernières conditions de M. de Bismarck nous tirèrent d’incertitude. Cette crise, peut-être inévitable, aura fini par être salutaire. Elle a laissé Paris plus sûr de lui-même qu’aux premiers jours de l’investissement. Elle nous a guéris à la fois des forfanteries et des faiblesses ; nous sentons que le dénoûment approche, et que ce dénoûment ne peut être honteux. Vaincre ou mourir, ce ne sont plus des mots sonores, bons pour le refrain d’un couplet guerrier ; c’est dans la conscience de chacun une nécessité bien comprise.

Si nous venons de repasser ainsi ces trois mois de notre existence, c’est qu’il en résulte pour nous la conviction que la garde nationale est moralement prête à tenir sa place à côté de l’armée et à côté de la garde mobile ; mais quel sera son rôle dans l’action au moment suprême ? quel cas faudra-t-il faire alors de son concours ? On peut répondre qu’hier ses services militaires eussent été bien médiocres, et que demain ils pourront être immenses. Ce sera l’affaire du gouverneur de Paris et du général Clément Thomas. Il n’est pas besoin d’être homme de guerre pour signaler ici les réformes les plus urgentes ; le simple bon sens les indique. Commençons par nous rendre un compte exact de ce qui est, étudions les élémens dont se compose cette armée, et passons d’abord en revue les officiers, puis les soldats.

On sait comment les cadres des bataillons ont été formés. A l’exception du capitaine adjudant-major et de l’adjudant sous-officier, qui sont à la nomination du commandant supérieur, les officiers et sous-officiers de chaque compagnie sont issus de l’élection directe, et le chef du bataillon a été choisi ensuite par les officiers des compagnies auxquels se sont adjoints des délégués élus parmi les sous-officiers et les gardes. C’est donc le suffrage à deux degrés qui nomme les chefs de bataillon. Les élections qui ont été faites au mois de septembre, presque en présence de l’ennemi, ont donné des résultats qu’il était assez naturel d’attendre : elles ont produit presque partout un corps de sous-officiers excellens, un corps d’officiers médiocres. Lorsqu’on a nommé les caporaux et les sergens, on n’a eu qu’à choisir parmi les anciens militaires, qui se présentaient en grand nombre, et c’est aux meilleurs instructeurs qu’on a donné la préférence ; la plupart du temps, le vote a eu lieu sur la