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le Faulhorn, qu’on a observé depuis en abondance sur les montagnes de Glaris et sur le Mont-Blanc aussi bien qu’au Bernina et sur le piz Languard. Cet animal séjourne d’une manière permanente à la hauteur de 3,000 à 4,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, à la dernière limite de la végétation, et, sans jamais tomber dans le sommeil léthargique, il passe neuf ou dix mois de l’année sous la neige. Pendant l’été, il court chercher sa nourriture et se montre avide des débris de victuailles qu’il peut trouver soit dans les huttes des chevriers, soit au voisinage ; mais le reste du temps il demeure sous la neige où il a formé une sorte de nid. L’espèce se multiplie sans doute, comme ses congénères, avec une extrême facilité. Tout annonce que de nombreux individus vivent à la même place. Immédiatement après la fonte des neiges, des rigoles découvertes, tortueuses et entre-croisées, communiquant la plupart avec une cavité remplie de racines et d’herbes rongées, se montrent sur la terre en quantité considérable. Ce sont les chemins et les nids des rats, qui ont été ordinairement abandonnés à cette époque[1]. Les conditions d’existence du rat des neiges sont d’une étrangeté dont on a peu d’exemples.

L’eau est partout dans la Haute-Engadine ; une rivière baigne l’étroite vallée, on ne compte pas le nombre des ruisseaux, et il y a des lacs d’une certaine superficie : le lac de Sils n’a pas moins de 6 kilomètres de long. En songeant aux petites rivières et aux étangs des pays tempérés où les êtres fourmillent, on s’attendrait à trouver ici une immense population aquatique. C’est le contraire qui est la réalité ; les plantes, les vers, les insectes, les petits crustacés, les mollusques, sont très pauvrement représentés, et, quant aux poissons, il y en a tout juste trois espèces, deux sortes de truites et un cyprinide, la rotengle, que les pêcheurs de France nomment indifféremment la rosse ou la roche. Les eaux provenant d’une multitude de ruisseaux qui descendent des glaciers sont trop froides pour convenir à la plupart des animaux aquatiques. Seules, les truites sont communes dans les lacs que la glace couvre pendant de longs mois d’hiver, particulièrement dans le lac de Sils, et autrefois, ainsi que l’apprennent de vieux documens, elles étaient d’une abondance extrême dans toute la Haute-Engadine. Une pêche longtemps trop active a produit un amoindrissement sensible ; on ne se contentait pas de prendre les truites pour les besoins des habitans ; ces poissons, après avoir été préparés de façon à être conservés, fournissaient l’élément d’un commerce avec l’Italie. Les truites fraient au commencement de l’hiver sur les bords des lacs ou dans les ruisseaux, qu’elles remontent parfois jusqu’au voisinage des

  1. Ces faits ont été constatés par le professeur Théotald (de Coire.)