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UN
RETOUR DU REALISME
A LA POESIE

The Spanish Gypsy, a poem, by George Eliot, 1 vol. in-8o, Blackood, London 1870.


S’il est des momens où les esprits curieux de la seule réalité n’accordent leur attention qu’aux objets qui leur tiennent de près, aux lieux où ils vivent, aux hommes de leur temps, de leur canton, je dirai presque de la rue qu’ils habitent, il en est d’autres où ils sont rassasiés de cette réalité, où ces lieux trop connus et ces hommes trop vulgaires les fatiguent. Dans le premier cas, pris d’une sorte de dégoût pour les inventions du passé devenues banales, ils se rejettent sur l’observation des choses visibles, s’arrêtent au détail, et aiment le terre-à-terre, semblables au petit enfant du poète,

Qui va, santé, revient,
Et, joyeux, à sa mère offre un caillou qu’il tient.


Dans le second cas, ennuyés d’un autre genre de banalités, celui des chétives analyses et des petites découvertes, ils obéissent à un besoin naturel de l’imagination ; ils demandent à la poésie de leur prêter son coup d’aile, de leur rendre un peu d’horizon, un souffle d’air libre et pur. Tel écrivain qui s’était d’abord enfermé dans les limites d’une timide étude des faits est entraîné par cette réaction vers l’idéal, et forme un pendant à la fantaisie de tel autre qui