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communiqué à nos officiers que les renseignemens les plus défavorables à la république. Leurs journaux et les correspondances anglaises rédigées dans leur camp ont répété trop souvent, avec trop d’insistance, que les chefs de l’armée de Metz ne reconnaissaient pas le gouvernement républicain, pour qu’eux-mêmes n’aient pas souhaité ce résultat et n’aient pas travaillé à l’obtenir. Ils y travaillaient en recueillant avec soin, en groupant avec art, en exagérant et en dénaturant au besoin les bruits fâcheux qui circulaient sur la désorganisation de la France. C’est ainsi qu’ils paraissent avoir circonvenu le général Boyer, qu’ils auraient comblé de politesses, mais auquel ils auraient en même temps persuadé, sans trop de peine peut-être, qu’il n’existait nulle part dans notre pays de gouvernement régulier, que la France était livrée à la plus complète anarchie. Voici du moins le dernier mot de la mission de ce général, tel qu’il fut communiqué aux officiers français de l’armée du Rhin par leurs chefs le 19 octobre dernier. On leur annonça de sa part, comme des faits dont il n’y avait malheureusement aucun lieu de douter, que les discordes civiles paralysaient la défense de Paris, que le gouvernement provisoire était dépassé et débordé par les partis violens, que MM. Gambetta et de Kératry venaient de s’enfuir en ballon pour échapper sans doute à tous ces désordres, que le drapeau rouge flottait à Lyon, à Bordeaux, à Marseille, que la Normandie, parcourue par des bandes de brigands, avait appelé les Prussiens pour rétablir l’ordre, que Le Havre, Elbeuf, Rouen, étaient occupés par les Prussiens, qui concouraient avec la garde nationale à maintenir la sécurité. Dès que cette communication eut été faite aux différens corps de l’armée de Metz, plusieurs officiers se réunirent afin de vérifier et de contrôler mutuellement leurs souvenirs, et rédigèrent un exposé de ce qu’ils avaient entendu pour le remettre entre les mains du rédacteur en chef de l’Indépendant de la Moselle, dont la bonne foi nous parait hors de doute ; c’est ce même rédacteur, qu’on a désigné à tort comme un correspondant de l’Indépendance belge, qui, le jour de la capitulation de Metz, accusa publiquement le général Coffinières d’avoir livré la ville, et fut arrêté par les autorités prussiennes. Nous avons donc là une pièce sérieuse, un document écrit, rédigé par des témoins auriculaires, qui nous apprend dans quelle erreur on entretenait l’armée de Metz huit jours avant la capitulation.

Si le général Boyer croyait réellement ce qu’on affirmait en son nom, avec quel art les Prussiens n’avaient-ils pas exploité sa crédulité depuis Château-Thierry, où une voiture aux armes du roi de Prusse était allée le chercher, jusqu’à Versailles, où il avait conféré avec le roi en présence de M. de Bismarck, de M. de Moltke et des