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mais il y a des mélanges plus faciles à allumer, et dont la flamme est plus ardente. Pendant la guerre d’Amérique, les combattans employaient, sous le nom de feu fenian, du sulfure de carbone contenant du phosphore en dissolution. Le liquide ainsi obtenu s’évapore très rapidement, et abandonne du phosphore pulvérulent qui prend feu spontanément sans l’approche d’un corps en ignition. Nicklès a fait connaître, sous le nom de feu lorrain, un mélange redoutable sur lequel l’attention n’a peut-être pas été suffisamment appelée : on ajoute du chlorure de soufre à du sulfure de carbone, et on obtient un liquide jaune qui peut être conservé impunément en vase clos ; mais, dès qu’on vient à y projeter de l’ammoniaque, une vive déflagration se manifeste, accompagnée d’une flamme intense. Plusieurs journaux ont signalé avec insistance dans ces derniers temps une composition nouvelle inventée par MM. Decanis et Beaume, et qui, d’après de nombreuses expériences, engendrerait réellement un feu inextinguible et d’une vive intensité. Enfin il ne faut pas oublier de mentionner le rôle important que jouent les aérostats dans la communication des dépêches et des ordres du gouvernement. Il n’est pas jusqu’à la photographie qui ne concoure pour sa part à l’œuvre de défense. Les pigeons voyageurs transportent en effet des carrés de papier grands comme l’ongle sur lesquels une longue dépêche est fixée par la photographie microscopique en caractères extrêmement petits qu’on déchiffre avec une forte loupe.

On voit par ces détails que la science prête un concours actif à la défense du pays, et que son rôle est grand dans l’organisation des forces qu’il nous faut opposer aux envahisseurs. Grâce à elle, on aura reconstitué en un mois un matériel plus considérable que celui que nous avions chèrement et laborieusement assemblé depuis plusieurs années, et dont l’ennemi s’est emparé à Sedan ; on aura fabriqué en quelques semaines plus de poudre et de munitions qu’on n’en a dépensé depuis le commencement de la guerre. Des obstacles inconnus jusqu’ici et des engins terribles auront été imaginés pour arrêter l’ennemi. Le patriotisme a subitement révélé de nouveaux procédés, et donné une impulsion vigoureuse au génie des industriels et des savans.


FERNAND PAPILLON.