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première année de chaque guerre de ce que les moyens manquaient pour la soutenir, néanmoins il s’est toujours trouvé au bout d’un certain temps que le pays était extrêmement fort et assez bien pourvu pour lutter avec avantage. C’est qu’en effet on s’était assuré par de sages économies un revenu supérieur à la dépense, qu’on avait pu réduire ainsi les taxes gênantes pour l’industrie, qu’on avait mis la population à même d’accroître son aisance, et la dernière guerre témoignait des résultats que des économies ainsi accumulées avaient pu produire. Tandis que l’ennemi était épuisé et que les finances des alliés de l’Angleterre commençaient à faiblir, cette puissance avait abondance de ressources, et eût pu sans gêne continuer la guerre plusieurs années encore.

Mais réduire les dépenses et les impôts au chiffre de 1853, ainsi que la proposition en fut faite quelques jours après, n’était chose possible ni pour l’exercice courant, ni même dans un délai rapproché ; c’est ce que n’eut pas de peine à démontrer sir G. Corneral Lewis en soumettant à la chambre des communes le budget de 1857. En premier lieu, le service de la dette réclamait 3,500,000 livres sterl. de plus qu’en 1853 pour les intérêts et l’amortissement des récens emprunts ; , puis, bien qu’une nouvelle réduction de 14 millions de livres sterling eût été opérée sur les chapitres de l’armée et de la marine, ces chapitres, accrus de dépenses nouvelles dont la dernière guerre avait démontré la nécessité, excédaient de 3,400,000 liv. st. ceux de l’ancien budget de paix. D’un autre côté, il fallait pourvoir aux frais des hostilités qui venaient de recommencer avec la Perse et la Chine. Enfin le premier tiers des bons de l’échiquier émis en 1854 arrivait à échéance, et sir G. Lewis évaluait les besoins de 1857 à 65,475,000 liv. sterl. Il était impossible de subvenir à cette somme de dépenses, si les surtaxes de guerre n’étaient pas en partie maintenues, et le ministre proposa de les renouveler, à l’exception de celle sur le malt, et de ramener l’income-tax à 7 deniers. Le budget fut donc voté après de vifs débats à 66,365,000 liv. sterl. en recettes et à 65,474,000 liv. sterl. en dépenses, soit avec un excédant de ressource de 800,000 liv. sterl.

Par malheur, de graves événemens ne tardèrent pas à convertir cet excédant en déficit : d’une part la révolte des Indes, qui nécessita l’envoi dans ces possessions éloignées de renforts et d’approvisionnemens de toute nature ; de l’autre une crise commerciale aux États-Unis, crise qui eut son contre-coup en Angleterre, et entraîna la faillite d’un grand nombre de maisons importantes. Le chiffre des sinistres atteignit 36 millions de liv. sterl., et pour répondre à toutes les demandes de secours qui lui furent adressées, la Banque, après avoir porté le taux de son escompte à 10 pour 100, dut se faire autoriser à dépasser la limite de ses émissions. Dès les premiers