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général, non par la république, mais par les soldats. Deux armées romaines, celle de Sylla et celle de Fimbria, se trouvaient en présence en Asie-Mineure. Allaient-elles, à 600 lieues de leur patrie, en venir aux mains pour se disputer à qui aurait les profits de la guerre d’Asie ? Sylla fit mieux. Sûr de ses soldats, qu’il avait gorgés de butin, il gagna ceux de ’son ennemi en leur en promettant autant. Les troupes de Fimbria calculèrent qu’elles avaient plus à gagner avec Sylla, et se donnèrent à lui. Sylla, vainqueur de Mithridate et de Fimbria, pouvait revenir tout de suite a Rome ; mais il fallait payer ses troupes. Pour cela, il resta plusieurs mois en Asie, levant d’énormes contributions de guerre, logeant ses soldats dans les villes, leur permettant le pillage. Plusieurs villes furent complètement détruites par ces légionnaires.

Il revint enfin en Italie avec une armée enrichie, mais non satisfaite, et par conséquent toute disposée à faire pour lui la guerre civile. Ses adversaires, lui opposèrent huit armées. Ces armées savaient qu’avec Sylla il y avait beaucoup de butin à acquérir et que toute licence était permise ; une seule exceptée, qui était composée de Samnites, elles se donnèrent successivement à lui. L’une, celle de Cinna, égorgea son général ; une autre, celle de Norbanus, se fit vaincre exprès ; celle de Scipion abandonna tout entière son chef, qui se trouva presque seul dans son camp, et Marius le Jeune fut vaincu par la trahison des siens. Sylla devint ainsi maître de Rome. Il proscrivit non pas seulement ses ennemis, mais tous ceux qui étaient riches ; il était bien forcé de satisfaire l’avidité de ses troupes. Il confisqua, sans distinction de parti, les meilleures terres de l’Italie, et les distribua à ses 120,000 soldats. Par eux, il fut tout-puissant dans Rome. Il n’y a guère d’exagération à dire qu’il y fut le premier empereur ; mais il ne. voulut l’être que trois ans, et il abdiqua, remettant debout la république, après avoir prouvé que la république était à la merci des soldats.

Sylla mort, le rôle de chef militaire fut disputé par plusieurs concurrens. Lépidus essaya de se faire une armée en Italie, Sertorius s’en fit une en Espagne, tous les deux agissant au nom d’un parti populaire qui en réalité n’existait pas. Deux autres, du vivant même de Sylla et sous ses ordres, s’étaient fait connaître comme chefs de soldats : c’était Pompée et Crassus. Pompée, tout jeune, sans exercer aucune magistrature, avait levé une armée de sa seule volonté et à ses frais ; il avait fait la guerre, non pas aux ordres de la cité ni au profit de la patrie, mais pour son propre compte. Il avait dû se faire lieutenant de Sylla ; mais il n’avait été qu’un lieutenant fort indépendant et fort indocile : un jour qu’il avait reçu l’ordre de licencier sa troupe, il n’avait pas obéi. Véritable chef de bande,