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PROPOS
D'UN
FRANC-TIREUR
EPISODE DU SIEGE DE PARIS

— Je ne sais pas, à vrai dire, comment les choses se passeront, dit le capitaine de francs-tireurs en allumant un cigare ; mais la France ne peut pas succomber. Il m’est aussi impossible d’imaginer l’Europe sans la France que de me figurer le monde sans l’Europe. Je ne doute pas de notre résurrection, et malgré nos accablans désastres j’ose dire que je ne désespère pas de la victoire.

Une exclamation ironique de Burskine l’interrompit. — Voyons, dit-il, raisonnons un peu, capitaine. Si l’armée française, organisée tant bien que mal, n’a pu tenir contre les armées allemandes, comment espérez-vous triompher à cette heure, où vous n’avez plus que des bandes sans ordre, sans discipline, mal équipées et mal armées ? N’est-il pas évident qu’elles seront absolument insuffisantes contre des troupes aguerries ? Vous accomplirez, je le veux bien, des prodiges de valeur individuelle ; vous harcèlerez, vous fatiguerez l’ennemi : où cela vous mènera-t-il ? A tuer quelques milliers de Prussiens, à enlever des fourgons, à ramasser des casques perdus ou de mauvais fusils oubliés dans les buissons… Croyez-vous contraindre ainsi le roi Guillaume à lever le siège ? Là…, sérieusement ; le croyez-vous ?… Ah ! si vous aviez une armée de secours, tout changerait ; mais vos armées sont captives en Allemagne. Que vous reste-t-il ici ? Des francs-tireurs, dont je ne songe point à médire en votre présence, mon capitaine, des gardes mobiles, braves