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dès les premiers temps traversa les marais Pontins, cette voie Egnatienne qui s’en allait au travers de la Macédoine et de la Thrace, pays aujourd’hui moins faciles à traverser peut-être ; sur ces routes étaient des refuges pour la nuit, des bas côtés pour les piétons, des pierres dressées pour aider à monter à cheval sans étriers, et surtout des colonnes militaires marquant avec exactitude les distances et les divisions du chemin. Végèce mentionne ces itinéraires écrits, mais il connaît aussi et nomme les itinéraires peints, et plusieurs textes nous apprennent qu’il faut entendre par là non-seulement des cartes figurées sur les murs, par exemple dans les écoles, mais aussi sans doute des cartes d’un usage personnel qu’on pouvait ranger dans sa bibliothèque ou transporter dans ses poches.

Quand César et Auguste prétendirent réédifier un autre édifice politique à la place de celui que les guerres civiles avaient renversé, une de leurs premières et principales mesures fut un arpentage du nouvel empire : immense opération devenue nécessaire pour permettre un dénombrement aussi exact que possible de la population et une meilleure assiette de l’impôt. Elle aurait été confiée dès l’année qui vit la mort de César à quatre géomètres grecs, à Didyme pour l’Occident, à Zénodore pour l’Orient, etc., et elle aurait été terminée dans l’espace de vingt-cinq ans environ. M. d’Avezac, dans un savant mémoire sur Éthicus, et M. Wallon, dans sa discussion si précise sur le recensement de Quirinius, ont examiné les difficiles questions qui se rattachent à ces souvenirs. Agrippa, le ministre d’Auguste, réunit tous les documens, tous les chiffres obtenus, et peut-être en composa-t-il lui-même un résumé destiné à présenter les principaux traits de ce vaste ensemble. Lorsque Pline l’Ancien, dans cette vaste encyclopédie qu’on désigne sous le nom d’Histoire naturelle, cite à l’appui de ses assertions géographiques les calculs d’Agrippa, c’est ce travail sans nul doute qu’il a eu entre les mains. Quand Strabon se réfère à l’autorité de celui qu’il appelle le chorographe, il invoque probablement aussi le même témoignage ; mais de plus nous lisons dans Pline (III, 2) qu’Auguste dressa ou bien acheva, suivant les vœux de son ministre, ce qu’on appela son orbis pictus au portique d’Octavie ; Nous n’avons pas d’autre information directe sur ce monument figuré, il y a tout lieu de croire cependant qu’il s’agit d’une carte routière construite d’après les résultats qu’avait donnés l’arpentage de l’empire. Il est permis d’aller plus loin et d’admettre par une autre induction que la carte dite de Peutinger doit être, sauf modifications ultérieures, une reproduction de cette carte murale.

Peutinger, citoyen et patricien d’Augsbourg, disciple des universités de Padoue, de Bologne et de Florence, ami ou correspondant de Thomas Morus, de Reuchlin, de Vivès, de Manuce, était un de ces humanistes de la fin du XVe et du commencement du XVIe siècle qui ont tant fait pour