le siège d’une ville, certains édifices et certains établissemens sont de telle nature qu’ils n’appartiennent ni à l’assiégé ni à l’assiégeant : ils sont à l’humanité tout entière, et ceux-là, le droit des gens dit qu’il faut à tout prix les respecter ; mais il est de prétendus héros modernes qui semblent briguer la gloire des anciens conquérans, et que les lauriers du calife Omar empêchent sans doute de dormir.
Devant les difficultés de tout genre et les longueurs d’un siège régulier comme serait celui de Paris, on comprend que les Prussiens hésitent, et qu’ils n’aient encore rien commencé de ce côté, au moins ostensiblement. On ne peut dire que leurs canons ne sont pas encore arrivés, et que les sièges de Toul et de Strasbourg retiennent leurs officiers du génie. Leurs canons, par ces derniers temps d’une clémence exceptionnelle, ils ont eu cent fois le loisir de les amener, et quant à leurs ingénieurs, ils sont certainement devant nos murs, occupés sans doute à des entreprises dont il est difficile d’apprécier l’importance. Faut-il donc croire que les Prussiens n’attaqueront pas Paris par les procédés ordinaires, qu’ils ne feront ni le siège en règle de nos forts, ni celui du Mont-Valérien, qui, une fois pris, leur ouvrirait la capitale, ni celui des forts du sud, de l’est ou du nord ? Sur ces points, il faudrait d’ailleurs, comme les forts se suivent à des distances très rapprochées, prendre au moins deux forts contigus ou séparés par un seul, avec lesquels on ferait taire les feux de celui-ci. Maître de ces positions, on canonnerait l’enceinte pour y ouvrir la brèche, on bombarderait la ville pour l’épouvanter, l’incendier peut-être ; mais comment prendre ces deux forts, sinon le Mont-Valérien lui-même ? Ici, on aurait à faire un siège mathématique comme celui d’une véritable place forte, car la plupart de nos forts détachés ont cette importance, et l’ennemi ne semble pas vouloir se plier à cette nécessité.
Ainsi les Prussiens ne paraissent pas se disposer à faire le siège régulier de Paris, en quoi d’ailleurs ils sentent bien qu’ils ne réussiraient guère. Pourquoi alors, dira-t-on, ces travaux qu’ils font en tant de localités, notamment dans les bois qui dominent au sud-ouest toutes les hauteurs de la Seine ? Ces travaux sont pour la plupart des retranchemens où ils comptent, assure-t-on, prendre leurs quartiers d’hiver, et se défendre contre une attaque de vive force venant soit de Paris, soit de la province. De ces ouvrages, l’ennemi se propose sans doute aussi de bombarder et nos remparts et la ville elle-même, au moins ses quartiers les plus rapprochés de l’enceinte. De Meudon, de Sèvres, de Saint-Cloud, les bombes prussiennes atteindraient facilement Passy et Auteuil ; les boulets, les obus, les projectiles incendiaires, iraient même tomber plus loin. Y a-t-il là de quoi nous effrayer sérieusement ? Non en réalité, et l’ennemi, si nous savons faire bonne contenance, ferait beaucoup de