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méritante de la Prusse pour l’Italie, est-ce qu’elle n’a pas souffert des intermittences’ ? Est-ce que la Prusse ne commençait pas en 1859 d’intervenir contre l’Italie elle-même, de concert avec ses oppresseurs, et n’est-ce pas cette menace qui nous a subitement arrêtés dans l’œuvre de la délivrance, en nous forçant de conclure la paix de Villa Franca ?

Nous savons ce qu’un peuple doit à sa propre sûreté. L’incroyable imprévoyance des hommes qui ont engagé cette guerre et nos malheurs subits ont pu détourner au premier moment l’Italie d’accomplir ce qu’elle eut accepté comme un devoir envers nous. Elle n’aura pas cru du moins que l’honneur, comme parle M. Mommsen, lui ordonnât de ne pas-être l’alliée de la France, ni qu’elle dût profiter de telles circonstances pour réclamer Nice et la Savoie. C’est bien assez et c’est trop qu’elle ait suivi cet autre conseil de s’emparer de Rome au plus vite, comme un homme qui fait un mauvais coup pendant qu’on ne le voit pas. Qu’elle se défie des nouveaux Machiavels, sachant ce que les premiers lui ont coûté. « Priez Dieu qu’il vous fasse vous trouver toujours du côté des vainqueurs : on y recueille du profit et de la louange pour des choses même auxquelles on n’a pris aucune part ; pregate Dio sempre di trovarvi dove si vince. » Ainsi parlait Guichardin, l’élève de Machiavel, dans ces Rîcordi, qui sont le catéchisme politique de son temps : ce temps a été pour l’Italie, bien que voisin de son apogée, le commencement de sa servitude et de sa décadence ; elle n’a que trop souffert du matérialisme et de l’immoralité politiques, ne lui en rapportez pas les maximes.

La mission de M. Minghetti ayant décidé la neutralité du cabinet de Florence, M. Mommsen crut cependant ne pas devoir quitter sa tribune italienne : il fallait entretenir de là l’esprit public au-delà des Alpes, et bientôt le préparer à de terribles nouveautés. La seconde lettre de l’auteur parut à Milan le 20 août, non plus dans la Perseveranza, qui avait accompagné la première d’une réfutation anti-prussienne, mais dans le Secolo. le ton général de cette seconde lettre est tout autre. Plus de tempéramens : tandis que tout à l’heure on pouvait se demander si c’était à la nation française qu’on faisait la guerre ou seulement à son gouvernement, on déclare désormais que la France même est coupable, et que c’est elle décidément qui a voulu la guerre ; elle l’a voulue, méditée, préparée pendant trente ans ; elle a forcé enfin son gouvernement à la faire pour s’emparer d’une des provinces de la monarchie prussienne. A peine l’auteur a-t-il encore quelques paroles impartiales, que viennent effacer bientôt d’étranges excès. La France est un grand pays, dit-il, dont il sait les grandeurs, où il a des ami qui lui sont