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ouvrières, n’ont peut-être pas tout à fait tort de trouver que la civilisation, au moins en ce qui les concerne, n’a pas dit, son dernier mot, que leur éducation intellectuelle et morale, leur condition physique, laissent beaucoup à désirer, et qu’il y a là une vaste carrière pour une multitude de très solides progrès. Ajoutons que les démagogues de bas étage auront d’autant moins d’action sur la classe ouvrière qu’elle verra la bourgeoisie porter sur ce côté du problème social l’ardeur de ses élucubrations et la rectitude de son sens pratique. D’ailleurs dans nos grandes villes, la plus grande partie de la classe ouvrière est assez morale et assez éclairée pour faire peu à peu justice de sophismes qui sont surtout à l’adresse ; des travailleurs qui ne travaillent pas, et qui attendent plus ou moins naïvement qu’un décret du peuple souverain leur constitue des rentes, sans qu’ils soient tenus de s’astreindre à la loi inexorable qui veut que toute richesse soit le produit non-seulement du talent, mais du travail et de l’épargne.

Enfin, pour couper court à des terreurs peu réfléchies dans un pays qui compte 10 millions d’électeurs, mais où la propriété est représentée par plus de. 6 millions de cotes foncières, où la rente est divisée entre près de 2 millions de parties prenantes, on peut débiter beaucoup de sottises sur la propriété sans lui faire courir d’autres dangers que ceux qui pourraient résulter d’une défaillance de la, majorité, peu admissible en une matière qui la touche de si près.

Ces fameux démagogues qui résument en leur personne l’objection la plus capitale qui se dresse contre la république, on serait étonné, si l’on prenait la peine de les regarder de près, de leur profonde nullité, de leur peu d’influence du cercle restreint dans lequel leur action est circonscrite, et l’on serait bien vite convaincu qu’ils n’ont d’autre force que celle qu’on leur prête, et que le meilleur moyen de les réduire à néant c’est de n’en avoir pas peur.

Ce qui est dangereux dans les tribuns populaires, c’est la portion de justice ou de vérité méconnue qui se mêle à l’ensemble de leurs griefs. O’Connell réclamant les droits méconnais de tout un peuple était redoutable. Danton personnifiant la révolution insurgée contre l’ancien régime, et jetant par manière de défi la tête d’un roi à l’Europe monarchique coalisée, était terrible ; mais que penser de ces parodistes inintelligens d’une époque exceptionnelle, qui se croient de grands citoyens parce qu’ils se sentent au cœur des trésors méprisables de haine, de ces conspirateurs in corrigibles qui conspirent contre la république comme ils conspiraient contre la monarchie, comme ils conspireront contre tous les régimes possibles, ou impossibles, qui ont comme la nostalgie de la