Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Antoine, les terrains où s’élève actuellement l’hôpital Sainte-Eugénie, qui n’a point perdu les traditions de son origine, car il est consacré au traitement des enfans malades. La Couche de Notre-Dame subsistait toujours, on voulut l’agrandir. En 1672 et en 1688, on loua d’abord, on acheta ensuite trois petites maisons qui appartenaient à l’Hôtel-Dieu ; on les répara, on les modifia, et l’on en fit le lieu de dépôt, l’hospice des Enfans-Trouvés, qui y restaient provisoirement jusqu’à ce qu’ils fussent en état d’être transportés aux Orphelins du faubourg Saint-Antoine. Il faut croire que lorsque l’institution fut mieux connue du peuple de Paris et des villes voisines, on en profita largement, car le 3 mai 1720 le régent accordait à l’hôpital des Enfans-Trouvés une loterie « à 20 sols le billet, avec bénéfice de 15 pour 100, pour aider à soutenir cet hôpital, pour l’entretien de ces enfans, dont le nombre augmente tous les jours[1]. » Cette mesure n’eut rien de transitoire ; un arrêt du conseil en date du 30 mai 1776 réunit la loterie des Enfans-Trouvés à la loterie royale de France, récemment instituée. Tous les gouvernemens qui se sont succédé en France depuis la création de l’œuvre ont tenu à honneur de la soutenir et de l’encourager par les moyens un peu empiriques, mais néanmoins très sérieux, dont on disposait alors.

En 1747, on voulut déblayer la place du parvis Notre-Dame, qui était singulièrement encombrée par des masures et par des chapelles, ex-voto du moyen âge que rendait inutiles la proximité de l’immense cathédrale. On démolit l’église Saint-Christophe, dont le chevet se trouvait au débouché de la rue Saint-Pierre-aux-Bœufs, remplacée par la rue d’Arcole, — l’église Sainte-Geneviève-des-Ardens, qui faisait face au jardin actuel de l’Hôtel-Dieu, — enfin le groupe de maisons qui constituait la Couche, et l’on chargea Boffrand de construire un hôpital pour les enfans trouvés. L’année suivante, l’édifice était terminé ; il existe encore, il a servi de chef-lieu à l’assistance publique, contient le bureau central, forme depuis 1867 une annexe à l’Hôtel-Dieu, et disparaîtra quand le nouvel hôpital central sera inauguré. Plus l’on faisait d’efforts pour élever ces enfans, leur donner les soins qu’ils auraient dû trouver dans. leur famille, plus les délaissemens se multipliaient. Ce fait, que tous les documens prouvent avec évidence, émut Necker. « On ne peut, dit-il en 1784, dans son livre de l’Administration des finances, se défendre d’un sentiment pénible en observant que l’augmentation des soins du gouvernement pour sauver et conserver cette race abandonnée diminue le remords des parens et accroît tous les jours

  1. Journal de Buvat, II, p. 240.