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disposer en la donnant à de jeunes animaux qui font les travaux de sa ferme qu’en la distribuant à des jumens poulinières qui n’en seraient ni meilleures nourrices ni plus fécondes.

Chaque localité utilise ainsi ses ressources à l’avantage tant du producteur que du public. La Beauce, où les chevaux acquièrent les solides qualités qui ont donné au cheval percheron une réputation universelle, livre au commerce, après les avoir gardés dix-huit mois ou deux ans, trois fois plus de chevaux que si elle en faisait naître, et ces chevaux, bien nourris, dressés au travail, ont des qualités qu’ils n’auraient jamais acquises, s’ils étaient restés dans leur pays d’origine, le Poitou, la Bretagne, la Picardie, la Franche-Comté. Le déplacement des jeunes animaux, opéré dans ces conditions, est même un préservatif contre quelques graves maladies. La fluxion périodique des yeux, qui attaque si souvent les jeunes chevaux dans les Côtes-du-Nord, le Finistère, est très rare dans le département d’Eure-et-Loir. Nous trouvons cette division de la production établie dans toutes les provinces où l’industrie équestre est prospère[1]. Rien de semblable n’est possible pour le cheval de selle. Le producteur peut bien utiliser son poulain vers l’âge de trente mois ou trois ans pour quelques travaux choisis, mais il doit le faire avec les plus grandes précautions ; à prix égal, un éleveur donne la préférence à un poulain de trait sur un poulain propre à la selle, alors même qu’il espérerait vendre ce dernier le double de l’autre.

On n’a pas même à se préoccuper de l’amélioration des chevaux de trait ; le prix élevé de ceux qui ont réussi est le meilleur des

  1. Les chiffres suivans en démontrent l’étendue. Si dans le pays où on produit le cheval percheron nous comparons six arrondissemens où on fait naître les poulains à six arrondissemens où on en élève principalement, nous trouvons les résultats suivans :
    ARRONDISSEMENS OU ON FAIT NAITRE.
    chevaux jumens poulains
    Mamers 2,679 12,127 2,569
    Le Mans 5,649 9,335 2,438
    Saint-Calais 2,872 6,365 1,186
    Vendôme 4,518 5,986 1,423
    Nogent-le-Rotrou 2,214 3,473 1,002
    Mortagne 6,924 7,825 2,401


    soit 181 jumens et 44 poulains pour 100 chevaux et 12 poulains pour 1,000 hectares de terrain. — Dans l’arrondissement de Brest, pays de multiplication, on produit 66 poulains par 1,000 hectares.
    ARRONDISSEMENS OU ON ÉLÈVE PRINCIPALEMENT.

    chevaux jumens poulains
    Chartres 12,477 300 67
    Dreux 6,734 425 51
    Mantes 7,311 991 38
    Rambouillet 7,339 1,045 100
    Étampes 4,568 57 6
    Pithiviers 5,399 223 22


    soit 6 jumens et pas même 1 poulain pour 100 chevaux et 1 poulain pour 3,000 hectares.