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de nos terres et par les convenances économiques des éleveurs. Les haras n’y sont pour rien. Nous n’avons pas de race chevaline particulièrement propre à monter les lanciers et les dragons, parce que les terres peu fertiles où l’on produit des chevaux de selle ne peuvent en produire que pour la cavalerie légère, les plus fertiles étant employées à nourrir des carrossiers on des chevaux de trait, qui paient mieux leur nourriture que des chevaux de dragons. On remonte la cavalerie de ligne avec les plus forts individus des races propres ; à la cavalerie légère, les plus petits des races propres à la grosse cavalerie, et surtout avec les plus fins, les plus distingués des races qui fournissent au train des équipages militaires et à l’artillerie. La Lorraine, l’Alsace, la Franche-Comté, la Bretagne, le Poitou, contribuent à la remonte de notre cavalerie de ligne. Si, comme cela serait aisé, ainsi que nous le verrons plus loin, on modifiait nos chevaux de trait quant à la robe, la remonte, même celle des régimens qui manquent le plus de chevaux, serait bien facilitée.

Disons d’abord ce qu’étaient les chevaux propres à la cavalerie légère il y a un demi-siècle, nous verrons ensuite ce qu’ils sont actuellement. Tous les hommes de cheval, même les plus pessimistes, ont cité le Limousin, la Marche, l’Auvergne, le Béarn, la Navarre, le comté de Foix, comme fournissant d’excellens chevaux pour l’armée. Avant la révolution, les régimens de cavalerie avaient dans ces provinces des dépôts de remonte, et quelques-uns y faisaient élever des poulains achetés très jeunes. Ces chevaux coûtaient aux régimens un prix très élevé, pour l’époque surtout, de 700 à 800 francs (en temps ordinaire, l’armée ne les paie aujourd’hui que de 450 à 500 francs) ; mais ils étaient à tous égards supérieurs. Peu de pays pouvaient être comparés au Limousin pour la production des chevaux de selle : la race limousine était distinguée entre toutes par la légèreté, la finesse et l’aptitude à faire un long service ; elle était recherchée de tous les étrangers, disaient nos pères, comme fournissant de magnifiques chevaux de maître, d’excellens chevaux d’officier et d’élégans chevaux de manège. Elle avait, il est vrai, un défaut, elle était tardive : on ne pouvait en utiliser les sujets qu’à l’âge de six ou sept ans, mais ils étaient encore d’un excellent service à vingt-cinq et trente ans. Ils avaient l’avantage de devenir vieux sans cesser d’être bons. Le régiment des hussards de Bercheny, qui faisait ses remontes en Auvergne, dans la Marche et le Limousin, était le mieux monté de la cavalerie française. En 1793, un escadron de ce régiment émigra et fut incorporé dans un régiment autrichien ; en 1802, tous les chevaux de cet escadron existaient encore, et on les reconnaissait comme les meilleurs du régiment.

La réputation des chevaux navarrins était grande aussi, principalement à cause de leur aptitude aux exercices du manège. Des