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corpulence. Beaucoup sont exportés en Provence et en Languedoc, où on les emploie à la culture ; on les utilisait pour le roulage avant la construction des chemins de fer ; une plus grande partie est vendue aux colonies. Le second siège de production occupe les montagnes du centre, le Limousin, l’Auvergne, le Rouergue ; il donne des animaux plus légers. Le troisième est dans l’est, dans les départemens de la Drôme, de l’Isère, du Jura. D’une corpulence moyenne, les mulets du Dauphiné ont été fort recherchés pour l’armée d’Afrique. Enfin le quatrième centre de production s’étend sur le versant septentrional des Pyrénées, de l’Océan à la Méditerranée. Il donne des mulets légers, sveltes, employés en Espagne au service de la selle et attelés aux voitures publiques. C’est surtout dans les expéditions de l’armée d’Afrique que l’utilité des mulets pour le transport des cantines, des bagages, des cacolets et même des pièces d’artillerie, a été appréciée. On a reconnu que les meilleurs sont ceux de taille moyenne ; les grands mulets résistent moins à la fatigue et aux privations, ils maigrissent et sont facilement blessés par les harnais. Les rations que l’on distribue dans l’armée à une catégorie d’animaux sont uniformes ; il est possible que celles des mulets, suffisantes pour des individus de taille moyenne, laissent souffrir ceux de forte taille.

Les races qui fournissent les chevaux carrossiers remontent la grosse cavalerie. Lorsqu’on a le choix, on prend pour l’armée les carrossiers les plus légers et les moins élevés de taille. La Normandie produit le type de ces chevaux ; mais il s’en trouve aussi dans une partie de la Bretagne, depuis Lamballe jusqu’à l’extrémité de la presqu’île, jusqu’au Conquet. L’Anjou, la Vendée, les marais de Saint-Gervais et les Charentes en fournissent aussi. Tous ces chevaux se ressemblent aujourd’hui et forment un type unique connu sous le nom de chevaux anglo-normands. Le plus beau sujet de ce type est remarquable par sa taille, par sa noble tête et sa belle encolure, par son garrot haut et épais, par son poitrail bien ouvert et ses reins courts, sa côte profonde, sa croupe longue et peu inclinée, ses avant-bras larges et ses jarrets puissans. Il a autant d’énergie que d’élégance. Le premier choix est réservé pour la reproduction et les voitures de luxe ; sans être les meilleurs, ceux qu’on achète pour l’armée rendent encore de bons services. Il y a un demi-siècle à peu près que ce cheval s’est formé. Les carrossiers du Cotentin, du Calvados, de Saint-Gervais, n’étaient plus de vente à cause de leur tête busquée, de leur chanfrein étroit, de leur encolure rouée et de leur croupe oblique, et on se demande même comment on avait pu s’enticher de cette conformation si défectueuse au point de vue des qualités réelles que l’on doit désirer dans le cheval. Les Arabes veulent qu’il