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celui du bœuf ordinaire, c’est la crinière garnissant la nuque jusqu’aux épaules et retombant sur les yeux, c’est le poil laineux, d’un gris roux sur les parties inférieures. Autant de signes qui conviennent exclusivement au bison. Oppien et Pausanias, comme Sénèque et Pline, parlent du bison, si reconnaissable à son épaisse encolure, à son front bombé, à son dos velu, à ses hautes jambes. On a pensé que l’aurochs avait déjà disparu de la Gaule à l’époque de l’invasion romaine, parce que César n’en fait aucune mention. La preuve est insuffisante, et il n’est pas douteux que le bison existait encore après plusieurs siècles avec le grand bœuf sauvage, au moins dans les Vosges et les Ardennes aussi bien qu’en Helvétie. Il paraît avoir persisté beaucoup plus tard dans la fameuse forêt hercynienne, qui s’étendait du Rhin au Danube ; mais, depuis un temps qu’on ne saurait fixer avec exactitude, il n’habite plus que les parties orientales de l’Europe. De nos jours, il en reste seulement quelques couples en Lithuanie, dans la forêt de Bialovicza et au Caucase. Dans cette dernière contrée, l’aurochs est bien rare à présent, suivant toute apparence, car le professeur Brandt de Saint-Pétersbourg, le savant qui a le mieux étudié les mammifères de la Russie, craignait que la disparition de ce beau ruminant ne fût complète ; il a été informé qu’on le voyait encore dans une localité du nom de Rudeln. Plus récemment nous avons reçu l’avis qu’on en connaissait un petit troupeau d’une cinquantaine d’individus près le bourg d’Atzikhar, sur le Haut-Ouroup. Il n’en resterait plus un seul ni en Lithuanie ni au Caucase, si la loi russe ne défendait, sous peine de mort, de prendre ou de tuer un aurochs sans la volonté du tsar.

L’élan, le cerf, le chamois, le bouquetin, appartiennent encore à la faune européenne ; mais si l’on ne prend aucune mesure pour arrêter la destruction de ces mammifères, peu de siècles s’écouleront avant un anéantissement complet. Toutes les personnes qui visitent un musée d’histoire naturelle éprouvent quelque surprise à la vue de l’élan, espèce de cerf de taille énorme. Une forme lourde, de hautes jambes, un museau renflé, un cou extrêmement court, une crinière sur le garrot, un fanon garni de barbe sous la gorge, donnent à l’animal une singularité qui est augmentée chez le mâle par une immense ramure aplatie et dentelée sur les bords extérieurs. L’élan habite les forêts marécageuses des parties septentrionales de l’Europe et de l’Amérique ; on le voit encore, assure-t-on, sur quelques points de l’Allemagne orientale, et on le rencontre surtout en Lithuanie, en Suède et en Norvège, au nord de la Russie, en Sibérie et dans la Tartarie. Autrefois il était répandu dans toute la Germanie, ainsi que le prouvent les chasses du moyen âge dont le récit a été conservé. Pour les auteurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, l’élan