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cabinet britannique, et les conférences officielles s’ouvrirent le 26 août. Quelques questions complémentaires, comme celles de la démolition de Dunkerque et de la prohibition du cumul des couronnes de France et d’Espagne, y furent discutées et résolues ; mais on ne put s’entendre sur l’attribution des Pays-Bas à l’électeur de Bavière, ni sur les avantages que l’Angleterre stipulait pour la maison de Savoie, tels que la royauté de Sicile et la réversibilité de la couronne d’Espagne en cas d’extinction de la branche espagnole de Bourbon, ce qui n’empêcha pas néanmoins d’arrêter des articles préliminaires contenant les points convenus, auxquels accédèrent les Hollandais, et d’indiquer un congrès général pour le 12 janvier suivant dans la ville d’Utrecht. Tous les princes et états engagés dans la guerre étaient appelés à ce congrès ; l’Europe presque entière dut donc y prendre part. Les hostilités ne devaient point toutefois être suspendues par les négociations, au moins jusqu’à nouvel ordre, et l’on sait qu’en Flandre elles furent poursuivies, même pendant l’hiver de 1712.

C’est à ce moment que le prince Eugène fit le voyage de Londres dont nous avons parlé, voyage pendant lequel il échoua auprès de la reine et des ministres, mais en remuant les partis et en créant des difficultés réelles à la paix. Afin de couper court à ces menées, la reine convoqua le parlement, et le 17 décembre elle annonça aux deux chambres la résolution qu’elle avait prise. « Je vous ai assemblés, dit-elle, aussitôt que les affaires politiques l’ont permis, et je suis bien aise de pouvoir présentement vous dire que, nonobstant les artifices de ceux qui se plaisent dans la guerre, on a réglé le lieu et le jour pour commencer à traiter de la paix générale. » Le 20 décembre, les communes présentèrent à la reine une adresse dans laquelle, après l’avoir assurée de leur dévoûment, elles promettaient de ne rien oublier « pour faire exécuter ses sages projets et rendre inutile la manœuvre de ceux qui voulaient que la nation continuât de faire la guerre. » La chambre des lords, où les whigs étaient en force, montra de l’emportement, et vota en forme d’adresse une critique amère du projet de paix. En présence de ces violences des whigs, le ministère tory crut devoir publier un manifeste pour exposer et défendre sa politique ; il ne garda plus aucun ménagement avec ses adversaires. Marlborough fut révoqué de son commandement, il eut un procès scandaleux à soutenir, et le ministère ne craignit pas de dire à l’Angleterre « qu’elle n’avait combattu que pour accroître les richesses et le crédit d’une seule famille, enrichir des usuriers et fomenter les desseins pernicieux d’une faction. » Abordant la question de la couronne d’Espagne, le ministère proclamait que la face des affaires avait bien changé en Europe depuis