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intentions du cabinet de Versailles sur les questions multipliées que soulevait la négociation, et surtout s’assurer si le roi avait les pouvoirs nécessaires pour traiter au nom de son petit-fils. Prior, arrivé à Fontainebleau à la fin de juillet 1711, fut satisfait de l’accueil qu’il reçut et des déclarations qu’il obtint ; mais les prétentions explicites des Anglais parurent exagérées. Si on y eût accédé, l’Angleterre aurait obtenu le monopole du commerce européen. M. de Torcy éluda les difficultés, invoqua la raison et l’intérêt commun, proposa de convertir en négociations officielles les communications échangées jusqu’à ce jour, et de transporter le siège des conférences à Londres, ce qui fut accepté. Ces conférences exigeaient un diplomate consommé. Le roi choisit pour y pourvoir M. Mesnager, député de la ville de Rouen au conseil de commerce, qui joignait à beaucoup de sagesse des lumières très étendues. Ce choix fut parfaitement justifié.

M. Mesnager partit pour Londres avec Prior et l’abbé Gautier, et après plusieurs entretiens avec les membres du cabinet il leur notifia un mémoire dans lequel il déclarait que le roi, abandonnant la cause de la maison de Stuart, qui lui avait été si chère, reconnaîtrait la reine Anne comme souveraine de la Grande-Bretagne et la succession à cette couronne dans la maison de Hanovre ; qu’il donnerait à l’Angleterre l’île de Terre-Neuve et le privilège dont les Français jouissaient alors (l’assiento) de transporter des nègres de la côte d’Afrique dans l’Amérique espagnole ; que Philippe V céderait aux Anglais Gibraltar et l’île de Minorque ; qu’ils auraient pour leur commerce, dans les états de l’obéissance espagnole, tous les avantages accordés à la nation la plus favorisée ; qu’en retour la reine Anne reconnaîtrait Philippe V comme roi d’Espagne et des Indes ; que l’Angleterre concourrait à faire conserver à la France, sur le Rhin et dans les Pays-Bas, la frontière réglée par le traité de Riswyck ; que les électeurs de Bavière et de Cologne, alliés de la France et de l’Espagne, dépouillés pour ce motif de leurs états, y seraient rétablis ; que le premier aurait à titre de dédommagement la souveraineté des Pays-Bas ; que les restitutions et les cessions à faire en Italie seraient ultérieurement réglées dans les conférences pour la paix générale, en exceptant les conditions relatives au duc de Savoie, à qui l’Angleterre s’intéressait d’une façon particulière, et dont on conviendrait préalablement ; que les affaires de commerce seraient débattues et réglées de même, de la manière la plus juste et la plus raisonnable, mais qu’il fallait renoncer à obtenir aucune cession territoriale dans l’Amérique espagnole, parce que le roi d’Espagne n’y consentirait jamais.

Ces propositions satisfirent, au moins en très grande partie, le