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électorale. La France fut tentée par cet exemple, et le roi Louis XVI acquit et installa dans la bergerie de Rambouillet le premier troupeau de mérinos qu’on ait vu chez nous. Ce troupeau comptait 400 têtes. En 1798, un autre troupeau, celui du Naz, également formé aux frais de l’état, devint aussi célèbre dans le midi de la France.

Dès lors tous les efforts se concentrèrent sur la production de la laine ; tous les soins des particuliers, tous les encouragemens officiels, s’y appliquèrent. On voulut, avant toute chose, que le mouton fût bon porteur de laine, et l’on ne regarda plus la viande que comme un produit accessoire et très secondaire. Peu à peu le sang mérinos s’infusa dans tous les troupeaux du pays. La souche de Rambouillet donna les mérinos et les métis-mérinos de la Brie, du Haut-Santerre, du Soissonnais, de la Champagne, de la Bourgogne, et la souche du Naz transforma de même les races des provinces méridionales, grâce aux bergeries créées par l’état à Perpignan, à Arles, à Villefranche, à Mont-de-Marsan. Dans maintes tentatives d’améliorations, souvent couronnées par le succès, le mérinos remplit toujours le premier rôle, soit qu’on employât le croisement ou le métissage, soit qu’on procédât par sélection des animaux acclimatés déjà. Un des plus célèbres de ces essais eut pour résultat la formation de la race soyeuse de Mauchamp. Ce n’était là qu’une simple modification du mérinos, due surtout à un hasard heureux ; mais celui qui la trouva, M. Graux, un cultivateur de l’Aisne, n’en obtint pas moins du gouvernement de juillet des encouragemens magnifiques. Malingié-Nouel au contraire, qui, en croisant des moutons anglais new-kent avec des mérinos berrichons-solognots, avait voulu arriver à une meilleure production de la viande, ne rencontra que dégoûts et obstacles.

En même temps que l’attention des éleveurs français était ainsi à peu près détournée de tout ce qui n’était pas la toison, le commerce des laines prenait un accroissement considérable, et devenait chaque jour pour l’agriculture une source de revenu plus importante. Sans atteindre pour la finesse la perfection des laines de Saxe, on produisit partout de bonnes laines qualifiées d’intermédiaires, particulièrement propres à la carde en Brie et en Beauce, c’est-à-dire courtes et fines, et plus recherchées pour le peigne, c’est-à-dire longues, mais moins douces et moins souples dans le Vexin, la Picardie, le Soissonnais, la Bourgogne, la Champagne. « La majeure partie de la France, disait M. Bella dans son rapport sur les laines exposées à Londres en 1862, est mieux placée que tout autre pays pour la production des laines mérinos moyennes, longues, nerveuses et lustrées. Aucune autre contrée ne jouit d’un climat aussi tempéré, ni trop chaud, ni trop froid, ni trop sec, ni trop