Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/552

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'INVASION EN LORRAINE

On ne connaît pas encore toute l’étendue des malheurs qu’entraîne pour nous une guerre si légèrement engagée, si tristement conduite, commencée et continuée au milieu de tant de désastres ; mais on en sait assez pour écrire un des chapitres les plus douloureux de cette lamentable histoire. Nous voulons parler de ce que souffrent les provinces envahies, les plus exposées de toutes, celles qui ont reçu le premier choc de l’ennemi, celles qu’il occupe depuis deux mois, et où neuf forteresses isolées, sans communications entre elles, résistent intrépidement à près de 300,000 hommes. Sur ce sanglant théâtre, dans cette patriotique Lorraine, dans cette patriotique Alsace, si françaises et si militaires, les uns, tous ceux qui ont une arme, se battent et meurent ; les autres, les habitans désarmés, les femmes, les enfans, souffrent toutes les hontes et toutes les douleurs de l’occupation étrangère.

C’est ce triste tableau qu’il faut présenter au pays pour lui apprendre ce que coûte le jeu des batailles, à quel prix une partie de la France achète le droit de rester française, et ce qu’elle sait supporter de sacrifices. On voudrait surtout éveiller la sympathie de tous les nobles cœurs pour tant de souffrances imméritées, témoigner à ceux qui sont loin, qui attendent de nous leur délivrance, que nous ne cessons de penser à eux, que la France tout entière souffre de leurs maux, que les barrières qui nous séparent momentanément ne font qu’irriter notre patriotisme, en nous groupant les uns et les autres autour de la patrie commune par-dessus les obstacles. Aujourd’hui nous ne voulons parler que des malheurs de la Lorraine ; nous parlerons plus tard de ceux de l’Alsace.


I

La journée du 6 août 1870 comptera dans l’histoire de la Lorraine comme une des plus douloureuses qu’ait traversées un pays