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soit par l’effet de l’impulsion administrative, — si elle est absolument nécessaire, — il y aura près de chaque marché un magasin où les marchandises pourront être consignées pour la sûreté du prêteur et gardées en attendant de meilleurs cours de vente.

Nous avons suffisamment démontré que dans tous les pays le crédit ne manque pas à ceux qui méritent d’en obtenir. Il n’y a pas de spécialité en matière de crédit agricole, parce que la confiance est l’unique raison qui détermine le prêteur à livrer son argent, et que les banquiers, au lieu de limiter leurs opérations à une clientèle déterminée, ne font qu’accepter les bonnes affaires et rejeter les mauvaises. Que le propriétaire, vende une partie de sa terre pour libérer ou améliorer l’autre, que les législateurs réduisent les droits de vente sur les immeubles, qu’on fonde des magasins généraux et qu’on simplifie les formalités de la procédure de saisie immobilière, toutes ces mesures produiront d’excellens effets ; mais est-ce tout ? Ceux qui parlent des souffrances de l’agriculture ne pourraient peut-être pas s’interroger avec une parfaite tranquillité. Quelles sont leurs habitudes ? Vivent-ils tous sur leurs terres, occupés à surveiller les travaux, attentifs à faire des avances au sol, ou ne prennent-ils pas en décembre le chemin de quelque grande ville pour y vivre loin de leur propriété jusqu’à la fin de juin ? Les mauvais effets de l’absence ont été trop souvent signalés pour qu’il soit besoin d’insister. Une grande somme de capitaux est ainsi détournée de l’agriculture. Au moment de leur départ, les propriétaires réunissent toutes les ressources disponibles, et, après avoir dépensé à la ville ce qu’ils avaient pu emporter, ils retournent à la campagne avec l’espoir qu’en leur absence le régisseur aura fait quelques ventes. Voilà un moyen infaillible de miner les meilleures propriétés. Que l’on calcule, si c’est possible, le bien que ces propriétaires auraient pu faire à la campagne, s’ils avaient dépensé en améliorations agricoles la moitié seulement de ce qu’ils ont dissipé pour leurs plaisirs urbains ! Nous n’aurions pas, s’ils avaient adopté un genre de vie plus raisonnable, à nous occuper aujourd’hui de la question du crédit agricole. Le propriétaire aurait trouvé dans ses économies l’argent nécessaire pour améliorer sa terre, et le fermier aurait pu, en cas de besoin, emprunter de son bailleur en lui payant une augmentation de fermage. La résidence à la campagne ferait plus pour l’accroissement du capital agricole que les combinaisons financières les plus variées et les plus ingénieuses.


A. BATBIE.