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que l’état ait fondé en 1851 une banque hypothécaire avec mission de prêter aux cultivateurs. Elle prête à 5 ou 5 1/2 pour 100, à peu près au taux des prêts que les capitalistes du pays consentent à faire aux emprunteurs solvables.

Les capitaux sont rares en Hongrie, en Portugal, en Espagne, dans les états romains, en Italie, en Turquie, et le loyer de l’argent est fort cher dans tous ces pays. En Hongrie, les agriculteurs ne trouvent que difficilement à emprunter. La Banque hongroise, qui a été fondée dans ces derniers temps pour venir en aide à l’agriculture, prête, il est vrai, à 5 1/2 pour 100 ; mais, comme elle ne livre aux emprunteurs que des lettres de gage, et que ces titres se négocient à perte, l’argent coûte en définitive plus de 10 pour 100, amortissement compris, ou sans amortissement environ 9 pour 100. En Portugal et en Espagne, les propriétaires ne trouvent à emprunter que sur hypothèque et à un taux qui s’élève de 5 à 12 pour 100. Quant aux fermiers ou colons, il est rare que le crédit s’ouvre pour eux, et leur seule ressource consiste à chercher un propriétaire complaisant ou à frapper à la porte d’un monastère riche. L’Italie n’est pas plus avancée, et là encore les agriculteurs n’empruntent que sur hypothèque. On a fait beaucoup de projets, mais aucun n’a été réalisé, et le prêt hypothécaire est le seul qui soit pratiqué. A Sienne, il existe depuis le XVIIe siècle une banque qui avance, avec affectation hypothécaire seulement, des capitaux à 6 pour 100. Cet établissement (Monte dei paschi), fondé en 1624, a récemment été autorisé par le gouvernement à fonctionner comme établissement de crédit foncier. Dans les états romains, la propriété est, pour la plus grande partie, aux mains de familles princières qui, si elles le voulaient, auraient des ressources suffisantes pour bien exploiter leurs terres. Seulement en général ces grands propriétaires ne consacrent rien aux améliorations, et, contens de leurs revenus, ne pensent pas à les augmenter en faisant dans le présent des sacrifices au profit de l’avenir. La Banque romaine prête au cultivateur à 8 pour 100. Le crédit est encore plus contracté dans l’empire ottoman. Les cultivateurs, pour se procurer des fonds, sont obligés de vendre leurs récoltes par anticipation, s’ils ne veulent pas se faire rançonner par les usuriers. L’intérêt s’élève au taux de 18 à 24 pour 100 sur billet et de 12 à 15 pour 100 sur hypothèque. L’Égypte ne paraît pas, sous ce rapport, être plus heureuse que la Turquie, et le crédit y est tellement resserré que des cultivateurs ont engagé des bijoux pour se procurer des fonds. Nous n’entendons pas faire allusion à un fait isolé, car ces contrats se sont produits en assez grand nombre pour que les agens consulaires, interrogés sur l’état de l’agriculture à l’étranger, aient jugé utile de signaler