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modifié cette position relative des deux parties de la Prusse, d’où il est permis de conclure que ces institutions de crédit n’ont pas servi à procurer des capitaux à la campagne.

Dans le royaume-uni, il existe une distinction à peu près semblable à celle que l’on remarque en Prusse. Les fermiers et propriétaires de l’Angleterre proprement dite ont par eux-mêmes des capitaux suffisans pour leur culture, et la plupart n’ont pas besoin, pour se les procurer, de recourir au crédit. Quand par exception ils empruntent, ils trouvent des banquiers qui leur prêtent au taux relativement modéré de 5 pour 100. Il en est de même dans la partie riche de l’Écosse ; mais en Irlande le crédit est fort resserré, et c'est en vain que la plupart des fermiers chercheraient à emprunter. Ceux qui peuvent fournir des garanties suffisantes trouvent de l’argent à 4 ou 6 pour 100, c’est-à-dire au taux ordinaire de la Banque d’Irlande.

Bien que l’agriculture soit fort avancée en Belgique, les fermiers n’ont pas toujours le capital dont ils auraient besoin, et il n’est pas rare qu’ils en empruntent une partie. Des institutions spéciales de crédit n’ont pas été fondées dans ce pays, mais les cultivateurs trouvent à emprunter dans les établissemens de crédit général aux mêmes conditions que les commerçans, c’est-à-dire en moyenne au taux de 4 à 6 pour 100.

En Hollande, il n’arrive guère que les entrepreneurs de culture aient besoin de recourir au crédit, car presque tous ont le capital nécessaire pour organiser leur exploitation. Ceux qui sont dans l’exception trouvent de l’argent soit à 4 pour 100 à la Banque des hypothèques d’Amsterdam, soit chez leur notaire à 5 pour 100. Le capital disponible est tellement abondant dans ce pays, qu’on ne peut le placer qu’à un taux très bas. Les capitalistes aiment mieux le faire valoir eux-mêmes que de se contenter d’une trop maigre rente. Ils se portent sur toutes les industries et en particulier sur l’agriculture. Ainsi l’abondance a fait baisser le taux de l’intérêt, et le bon marché de l’argent a augmenté cette abondance en développant les habitudes laborieuses et la fécondité industrielle. La prospérité générale fait que dans ce pays le problème du crédit agricole n’existe pas. Par voie d’opposition, l’exemple de la Suède démontre que la vraie solution est celle qui résulte des progrès de la richesse dans toutes les directions. Les institutions spéciales de crédit agricole ne manquent pas en Suède. Associations de crédit foncier, banques provinciales, banque hypothécaire générale, tous ces établissemens sont à l’adresse de l’agriculteur. Eh bien ! ils font payer l’argent 7, 8 et 9 pour 100, taux inconciliables non-seulement avec la rente foncière, mais encore avec les profits de la culture suédoise. Le capital est aussi insuffisant en Norvège, bien