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supplanté par ce dernier cabinet au mois de février 1708, et depuis 1704 qu’il avait été au pouvoir, il avait poursuivi avec vigueur les plans de la coalition contre Louis XIV. Il n’avait point conduit les affaires avec la passion dont fit preuve le cabinet whig aux conférences de La Haye en 1709 et aux conférences de Gertruydenberg en 1710, mais il n’avait pas été moins prononcé que les whigs dans la résolution de garder l’alliance de la Hollande et de l’empire contre la France. Aussi dès son retour au pouvoir le cabinet tory fut-il empressé à rassurer sur ce point les alliés de l’Angleterre, et la France ne crut point avoir retrouvé des amis dans ce nouveau ministère. Toute la correspondance diplomatique de l’époque en fait foi.

Dès son avènement aux affaires, lord Bolingbrooke écrivait à M. de Buys, l’un des membres les plus influens des états-généraux des Provinces-Unies, à la date du 24 octobre 1710 : « J’ai toujours envisagé les intérêts de nos patries d’une manière à me faire croire qu’on ne peut les séparer sans les blesser ; c’est une règle qui n’a jamais manqué depuis la fondation de votre république. Quand nos princes ont suivi les véritables intérêts de leur royaume, ils ont été les amis de la Hollande. » Le 7 novembre, on refusait au maréchal de Tallard, prisonnier et malade en Angleterre, la faveur peu dangereuse de rentrer en France sur parole. Bolingbrooke prodiguait ses caresses à l’électeur de Hanovre, passionné contre la France. Peu de jours après, il écrivait à M. de Buys : « Le duc de Shrewsbury et M. Harley (deux membres du cabinet tory) sont fort vos serviteurs, de même que ces autres messieurs qui ont eu l’avantage de vous connaître pendant le séjour que vous fîtes ici. Ils ont continué dans les mêmes sentimens à l’égard de la cause commune et des intérêts de nos deux nations dans lesquels ils étaient dès ce temps-là, et s’ils n’ont pas à l’heure qu’il est les mêmes liaisons ni les mêmes amitiés qu’ils ont eues alors, je puis vous assurer que ce changement n’est pas arrivé par leur faute… Les alliés ont été alarmés quand la reine a trouvé à propos de faire des changemens dans son ministère, et nous savons parfaitement bien les artifices dont on s’est servi pour troubler les esprits. Je veux espérer que ces premiers mouvemens sont passés, etc. » Les mêmes assurances se trouvent répétées dans une autre lettre du 12 janvier 1711, où Bolingbrooke ajoutait : « Vous voyez, monsieur, que, bien loin de négliger la guerre de Flandre, toutes les mesures sont prises, d’un mois ou de cinq semaines plus tôt qu’elles n’ont accoutumé de l’être, pour la soutenir de notre côté ; en effet, les préparatifs extraordinaires des ennemis exigent cela de nous. »

Aussi usa-t-on de grands ménagemens envers les whigs influens.