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s’opposer à tout essai de réforme. Cependant bien d’autres causes que ce récit fait voir à l’œuvre contribuent à ce déplorable résultât : rivalités religieuses des sectes chrétiennes, ambitions secrètes ou avouées des consuls européens, et, chose plus triste encore, leur avidité, qu’ils couvrent du masque des intérêts politiques de leur nation. Est-il possible d’ailleurs qu’il en soit autrement quand aucun pouvoir ne contrôle leurs actes, si ce n’est parfois celui du commandant de quelque navire de guerre que les hasards de la navigation conduisent en ces pays ? Dans son ignorance non-seulement de la situation générale, mais encore des faits les plus simples, que peut le plus souvent l’officier le plus impartial ? Il est bien forcé de s’en rapporter aux indications des missionnaires ou des consuls. C’est ainsi qu’il sanctionne souvent une conduite que, mieux renseigné, il blâmerait énergiquement ; puis tous ces consuls sont des marchands préoccupés d’intérêts particuliers. Comment ne mettraient-ils pas au service de ces intérêts l’influence que leur assure leur position officielle ? Cette position sans de tels avantages ne serait pour eux qu’une charge, une source d’embarras et de dépenses, ou tout au plus une puérile satisfaction de vanité. Aussi cette influence, qui nous est apparue si active dans les révolutions politiques de l’archipel, se fait-elle sentir non moins puissante dans ce qu’on peut appeler la situation économique et l’état moral de la population. Les conséquences n’en sont peut-être pas moins à regretter. Malgré la résistance sage et prudente des principaux chefs, M. Coë, M. Weber et M. Williams sont parvenus à se créer d’immenses propriétés territoriales, acquises à vil prix. On a vu l’offre faite à ce dernier de deux champs, situés l’un dans la province d’Ana, l’autre dans celle d’Atua, comme moyen de conjurer sa colère. Ces propriétés n’ont pas aujourd’hui, si ce n’est deux grandes fermes de M. Weber déjà en plein rapport, une valeur considérable ; mais n’est-il pas facile de prévoir que l’arrivée prochaine de nombreux colons européens va bouleverser toutes les conditions économiques de la propriété dans ces îles ? Quand les bras vigoureux des squatters australiens animés de l’esprit de persévérante énergie qu’ils portent dans toutes leurs entreprises viendront féconder pu plutôt mettre au jour les richesses du sol vierge d’Opoulou, qui peut dire la valeur de ces terrains que leurs propriétaires ont choisis en vus de cette éventualité ? De telles spéculations n’exigent qu’une intelligence médiocre, qu’une précision très ordinaire ; elles n’en sont pas moins assurées de réussir.

Nous n’avons pu que donner une idée bien imparfaite de la splendide beauté de ces îles, de cette beauté pleine de promesses qui a frappé tous les voyageurs. Ces promesses ne sont point menteuses :