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cultivateurs quelque chose des héros grecs. Leurs traîneaux grossiers sont formés de planches légèrement cintrées et percées de trous rectangulaires, dans lesquels on a enfoncé des morceaux de basalte semblables à des scories. Ces pierres dépassent le niveau inférieur du bois, et par leur dureté, par leurs angles saillans, aident à broyer les gerbes, à ouvrir les épis et en faire jaillir les graines.

Yaroun (Iron) possède des ruines importantes, trop peu étudiées jusqu’à ce jour. A gauche de notre route s’élèvent trois petits mamelons. Le premier porte un énorme sarcophage renversé sur le flanc, dans lequel deux ou trois individus s’abritaient contre le soleil. Nous y avons vu aussi l’angle sculpté d’un fronton et une tombe ou citerne à ouverture horizontale, ce qui est extrêmement rare ; nous avons vivement regretté de ne pouvoir l’explorer. Sur le second mamelon est bâti le village moderne ; sur le troisième sont les restes d’une grande église grecque et de ses dépendances, probablement d’un couvent. Nous distinguons aisément les trois portes de la façade, les trois nefs et une triple abside demi-circulaire. Sur le sol gisent des chapiteaux corinthiens dont chaque face est ornée d’un emblème différent ; la première porte une croix grecque, la deuxième un vase où boit un oiseau, la troisième deux pampres à grosses grappes qui s’élèvent d’un vase, la dernière a de plus un disque. Est-ce une simple rosace ou une représentation de l’hostie ? Le tout est fruste et d’ailleurs très mal sculpté. Non-seulement l’emplacement de l’église est jonché de débris, mais tout auprès se trouve une grande dépression de terrain où abondent des fragmens de soffite à compartimens, des tronçons de colonnes, des chapiteaux et des soubassemens, ceux-ci d’une forme extrêmement laide et mal conçue. lisse rétrécissent considérablement vers le milieu de leur hauteur, ce qui leur ôte l’apparence de solidité que doit avoir une base.

Il est à désirer qu’on fasse une étude approfondie de ces vestiges du catholicisme byzantin ou grec. Le vieux cheik du village, Sleimen Yousouf, qui nous offre le café dans sa demeure, se plaint de n’avoir que des visiteurs fort rares. Ce que nous appellerions son antichambre, ou le vestibule de sa maison, sert d’étable à un grand chameau blanc. La femme du cheik est coiffée à la mode du pays de deux larges et laids rouleaux de grosses monnaies d’argent qui lui encadrent le visage. Son enfant porte une sorte de casque ou de bonnet uniquement composé de petites pièces d’or et d’argent percées d’un trou et cousues les unes aux autres.

De Yaroun, il nous fallut moins d’une heure pour arriver à Kefr-Birein, beaucoup plus connu. On y voit les restes de deux synagogues contemporaines vraisemblablement de la renaissance juive dont la