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identiques, le premier en hébreu, le second dans le langage moitié grec et moitié araméen du Nouveau-Testament.

Pour la race juive et la religion de Moïse, Banias est le point extrême de la Terre-Sainte. Pour les Syriens de toutes les époques, la Terre-Sainte comprend nécessairement le Liban tout entier. Il paraît que les Grecs venus en Syrie à la suite d’Alexandre furent frappés de l’aspect imposant du paysage ; ils s’émurent surtout en trouvant dans la paroi du rocher qui domine la ville une grotte assez profonde d’où sort une source abondante : ils se rappelèrent alors les cavernes semblables de leur patrie, consacrées par leurs pères à la divinité des sites agrestes, le dieu Pan, au pied de l’Acropole athénienne et en maint autre endroit de la Grèce. On lit encore sur la face du rocher, à gauche de l’entrée de la caverne, une inscription grecque en l’honneur de cette divinité nationale. La caverne est une vaste ouverture dans le flanc d’un grand banc de calcaire à reflets bleus et rougeâtres. La source, un peu plus bas, coule à travers des amas de petites pierres, elle est limpide et puissante ; mais elle se divise bientôt, et les eaux s’éparpillent sous des touffes de menthe, de ronces, de roseaux épais, qui servent de refuge à de nombreux merles. En ce climat, partout où l’eau ne manque pas, les êtres vivans abondent.

Pendant bien des siècles, la grotte et la source de Banias furent fameuses ; des superstitions locales s’y attachèrent, et les supercheries des prêtres exploitèrent avec succès la crédulité des populations. Un miracle périodique s’y accomplissait, comme à Egnatia du temps d’Horace, ou à Naples de nos jours. En certains sacrifices solennels, la victime, à l’instant même où elle recevait le coup mortel, disparaissait miraculeusement dans la source : le dieu déclarait ainsi avoir pour agréable l’offrande qu’il recevait. C’est le culte de Pan qui a donné son nom à la ville, appelée d’abord Panéas par les écrivains grecs (excepté Josèphe, qui en fait Panium), et ce mot, altéré par la prononciation des Arabes, est devenu le Banias moderne.

On a toujours considéré la source qui sort de la grotte comme la première origine du Jourdain ; il est plus naturel de regarder le Hasbâny, rivière qui descend de l’Anti-Liban, comme la véritable origine de ce fleuve si célèbre dans la légende et dans l’histoire, quoique les deux cours d’eau se ressemblent peu à première vue. En général, le Hasbâny est aussi trouble que le Jourdain est limpide. Le nom de ce dernier est tout à fait caractéristique : Yordân en hébreu signifie celui qui descend. L’antiquité ne connaissait aucun fleuve dont la pente générale fût aussi rapide, et les voyageurs modernes n’en ont trouvé qu’un seul, le Sacramento, en