Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est certain que les habitans entretenaient de nombreuses relations avec les idolâtres. Salomon céda une partie de la contrée à son allié Hiram, roi de Tyr ; il s’y trouvait vingt villes ou villages, on nomma ce pays la Rognure (Caboul). Il est certain aussi que les quatre tribus du nord, Nephthali, Aser, Issachar, Zabulon, ne jouèrent aucun rôle dans la plupart des événemens de l’histoire nationale, s’allièrent souvent aux Phéniciens et aux populations mixtes du Liban, et furent sans cesse envahies par des armées étrangères, tantôt hostiles, tantôt traversant le territoire sans trop le dévaster. Quand la Samarie fut devenue hérétique et ennemie des Juifs, elle sépara comme une barrière la Galilée de l’ancien royaume de Juda. Il était difficile que les gens de ce pays devinssent jamais exclusifs et méprisans comme les vrais et purs Israélites, qui les traitaient de fort haut. Le nom de la Galilée, celui du petit village galiléen de Nazareth, d’où rien de bon ne pouvait sortir, étaient honnis d’avance par l’orgueil héréditaire, à la fois orthodoxe et théocratique, des pharisiens ou séparatistes, qui se glorifiaient de vivre séparés des profanes.

Ce n’est nullement par un concours fortuit de circonstances que le christianisme apparut en Galilée, ou que Jésus de Nazareth fut crucifié à Jérusalem ; le judaïsme, mêlé malgré lui par la conquête romaine et par l’unité de l’empire à l’histoire du monde, en était venu à sentir de plus en plus douloureusement la contradiction absurde de ses deux doctrines essentielles : « un seul Dieu pour tous, mais un seul peuple, éternellement privilégié par le Dieu de tous. » Les uns se détournaient de la lumière et se révoltaient contre des vérités qui effaçaient leur gloire et anéantissaient leur monopole ; c’étaient les pharisiens, les docteurs de la loi, les prêtres de Jérusalem, sectaires passionnés et aveugles. D’autres, surtout parmi les Galiléens, avaient l’esprit et le cœur moins rétrécis par les préjugés ou l’orgueil. Évidemment, si jamais l’antique monothéisme juif devait sortir de sa patrie et se répandre dans le monde, c’était par la Galilée. Dans ces terres septentrionales, ni la race, ni le culte, ni la langue, ne furent jamais exempts de mélange. A Jérusalem, une femme du peuple reconnaissait à son accent saint Pierre pour un Galiléen et le soupçonnait aussitôt d’être un adepte de Jésus le Nazaréen. Ce nom de Nazaréen est encore dans tout l’Orient celui que les Juifs et les musulmans donnent de nos jours aux chrétiens, non sans une intention malveillante.

Nous avons cherché avec peine en Judée, surtout dans Jérusalem, les traces de Jésus-Christ. Ce que les moines franciscains et la tradition recueillie ou développée par eux montrent de monumens historiques est presque toujours d’une fausseté criante qui